Voigtländer Ultron f1:1.7 35mm Aspherical (V1 LTM/M39)
Sommaire
Présentation
Objectif à grande ouverture de focale 35 mm en monture vissante M39. Fabriqué au Japon par Cosina Voigtländer de 1999 à 2007. A distinguer de la version VM parue en 2015, en monture M, différente notamment en ce qui concerne le bloc optique.
Souvent utilisé avec une bague d’adaptation pour baïonnette M, il fut assez connu des utilisateurs de Leica M, Voigtländer modernes (R2A, R2M, R3A…) et autres récents Zeiss Ikon ZI, Epson RD1 ; voire feus Hexar RF, Minolta CLE… Les raffinés amateurs de boîtiers anciens ne doivent pas le négliger non plus, sachant qu’ils trouveront en cet Ultron un des plus performants objectifs de 35 mm (focale indispensable) pour leur appareil favori1. A nous les Barnack, les Canon S ou Nicca / Tower, et bien sûr les Bessa, FED et autres Zorki ! Ou pourquoi pas un Leotax, un Minolta-35 ? ou encore les Yashica YE, Kardon…
L’allure délicieusement désuète de cet objectif cache un bloc optique moderne, à formule complexe (apparentée à celle du Konica M-Hexanon 35 mm f/2,0 — ne pas confondre avec l’UC Hexanon, qui descend des W-Nikkor) : 8 éléments (avec une face asphérique) en 6 groupes. La lentille frontale concave rappelle furieusement les Leica ASPH sortis un peu plus tôt (cf la section “Leica ASPH”).
Au premier contact, on apprécie la fabrication « tout métal » : les Voigtländer nippons sont peut-être moins prestigieux que leurs concurrents germaniques, mais on est toujours loin des cadeaux-lessive souvent fournis au consommateur moyen. Le diaphragme a pas moins de 10 lamelles, ce qui est favorable, comme chacun sait, à la douceur du flou dans les zones hors-netteté (et plus le trou est rond, mieux c’est contre la diffraction).
Longueur : 47,7 mm, diamètre : 55 mm ; poids : 203 g ; filtres M39. Pas si volumineux que ça si on considère par exemple le plus récent (et moins ouvert) Zeiss ZM Biogon f/2 ; d’ailleurs, il faut se rappeler qu’avec f/1,7 on frôle la catégorie des « ultra-lumineux ».
Appréciations générales
Qualités
- Rapport qualité/prix simplement remarquable.
- Course de mise-au-point rapide.
- Luminosité intéressante. Le demi-diaphragme supplémentaire par rapports aux réputés Biogon (Zeiss) et autres Summicron (Leica) peut rendre service : en reportage, domaine de prédilection du 35, avoir moins de flou de bougé passe avant l’excellence des courbes FTM (sans parler de l’absurde exigence d’une haute définition jusque dans les coins).
- Pas de focus-shift.
Défauts
- Repère de montage
- Le repère de montage est minuscule et indétectable au toucher, c’est agaçant et peut devenir gênant en cas de changement d’objectif dans une ambiance sombre ou agitée. Remède : coller une demi-perle en plastique avec une résine ad-hoc.
- Distance minimale de mise-au-point
- Un peu lointaine : 90cm. A l’usage, cette insuffisance se fait rarement sentir (peut-être simplement parce que l’utilisateur d’appareil télémétrique est habitué à cette restriction).
- Un peu encombrant
- Critique à relativiser. Elle vaut surtout pour l’utilisation avec les Leica vissants, ou parce qu’on compare l’Ultron 35 avec des objectifs moins lumineux, comme les Leica Summicron (f/2), Summarit-M et Voigtländer Color-Skopar (f/2,5) d’ailleurs reconnus comme remarquablement compacts (longueur inférieure ou égale à 35 mm).
- Qualité de fabrication variable
- Des problèmes d’assemblage ont été signalés. Pour ma part je n’ai pas eu à m’en plaindre en près de cinq années. Une méthode simple pour parer l’anomalie est indiquée sur Photo.net. [http://photo.net/bboard/q-and-a-fetch-msg?msg_id=006dyD]
- Pas d’ergot de mise-au-point
- Là, on entre dans les goûts et les couleurs…
Rendement optique et esthétique
Piqué
Le présent Ultron entre dans la catégorie des bons objectifs à rendu « classique », c’est-à-dire qu’il offre une bonne définition mais un contraste qui reste plutôt moyen. Ce qui ne peut que réjouir le lecteur moyen de ces pages.
A condition d’éviter la pleine ouverture, où les bords sont en baisse (ce qui est a priori indifférent en reportage sur le vif), cet objectif donne des images « piquées », particulièrement à partir de f/4, l’optimum étant atteint à f/5,6. Des connaisseurs classent cette optique à égalité avec le Leica Summicron pré-asphérique.
Caractère et bokeh
Le rendu des zones hors-plan de netteté est plaisant, les nuances sont enregistrées sans la sécheresse « clinique » des ultimes productions de l’optique contemporaine. L’Ultron 35 est un roi du bokeh : ce jugement est confirmé en le comparant avec un Konica M Hexanon (excellent objectif !).
L’Ultron est loué pour l’étendue des tonalités qu’il restitue, un argument sérieux aux oreilles des amateurs de noir-et-blanc. Ce qui n’empêche que j’aime beaucoup certaines photos couleurs faites avec mon Ultron 35.
Comportement à contre-jour
L’Ultron 35mm a une relative propension au flare (cf la confrontation avec le M-Hexanon [http://www.dg77.net/photo/VC/compar35.htm]). Face à de sévères contre-jours, il pourra montrer certaines faiblesses aux grandes ouvertures. Mais on compare là aux meilleures productions contemporaines. L’Ultron dépasse sur ce terrain à-peu-près tout ce qui se faisait antérieurement : comme souvent avec les objectifs Cosina-Voigtländer c’est un meilleur choix que bien des objectifs anciens trop souvent portés au pinacle et surcotés à proportion de la poussière et des moisissures qu’ils contiennent.
Pare-soleil / lens shade - lens hood
Le mini pare-soleil vissant est peu efficace mais, sur un Leica M, déborde quand-même un peu dans le cadre de visée. Accessoirement, il offre l’avantage d’être réversible, ce qui est intéressant pour le transport : on le visse à l’envers sans que cela allonge le moins du monde l’objectif ; il ne reste plus qu’à emboîter son joli bouchon métallique d’origine (ne pas le perdre !).
Cet objectif étant sensible au flare (cf supra), on ne peut que gagner à lui trouver un meilleur pare-soleil. Selon des sources relativement sûres, on peu utiliser certains modèles Leica/Leitz :
- 12504, ajouré, pour 35 Summicron et Summilux.
- 12538, ajouré, pour Summicron 50 mais certains témoignent qu’il convient à l’Ultron (cf photo.net [https://web.archive.org/web/20151205172910/http://photo.net/leica-rangefinders-forum/007ARL] ).
- 12585, ajouré, pour 35 et 50 mm (cf la page accessoires) utilisé par votre serviteur.
A des prix moins exorbitants que les références précédentes, on trouve aussi des pare-soleil made in China. Le standard de 39 mm ouvre beaucoup de solutions.
Les pare-soleil ajourés (“vented”) sont utiles avec un Leica M, puisqu’ils libèrent la visée. En revanche, sur un Leica vissant (“LTM”), il faut de toute façon un viseur annexe2. Dans ce cas un pare-soleil conventionnel peut être utilisé, ce qui est d’autant plus recommandable que, sur nos vénérables « Barnack », les pare-soleil ajourés sont des anachronismes de mauvais goût. Un IROOA (12571) pourra donc faire l’affaire3.
J’ai essayé le pare-soleil rectangulaire 14474 du Summarit-M. L’efficacité est maximale et ce pare-soleil n’empiète pas dans le viseur… sauf qu’il n’y a pas moyen de le bloquer dans la bonne position, ce qui fait qu’il bascule sans arrêt d’un côté ou de l’autre. Heureusement, on voit tout de suite dans le viseur si quelque-chose cloche…
Exemples de photos à l'Ultron 35
Bokeh
Classé parfois dans la catégorie « grands angles », l’objectif de 35mm permet quand même d’obtenir des zones hors plan de netteté bien détachées. En la matière, l’Ultron 1999 offre des flous à l’agréable fondu. Cette photo prise à 90 cm du sujet, diaphragme fermé à f/2,8, donne une idée de ses possibilités.
Le sujet net se distingue bien du groupe éloigné du plan de netteté – cela malgré le personnage en tenue rouge qui risquait d’attirer le regard.
Ceci n’est pas (que) du flare
Voici une photo faite dans une lumière matinale d’automne : les rayons obliques du soleil bas qui traversent un fond d’air humide ne doivent pas faire croire qu’il ne s’agit que de reflets dans l’objectif. Néanmoins du flare est perceptible sous forme d’un voile violacé en haut à droite sur une partie du tronc du cèdre et sa grosse branche horizontale.
On est là dans le pire cas : soleil de face, situé hors-champ mais près du cadre, là où le pare-soleil est inopérant. Peu d’objectifs résistent à l’épreuve.
Cedrus libani
Neige au balcon
Vite faite la photo souvenir, avec le 35 toujours prêt à servir. Les sujets enneigés montrent souvent de forts écarts de valeur entre les parties claires et sombres. Sur cette photo la perception du grain de la neige n’empêche pas d’avoir des détails dans les ombres.
Au Vieux Lyon
Rue St-Jean, derrière le Palais de Justice. L'Ultron 35/1.7 est monté sur un Leica iiiF de 1951. Pellicule Kodak TMY Tmax400.
Reportage humain
Quelques photos prises là où le 35mm convient le mieux : toute activité sociale, et tous sujets humains pris sur le vif.
Ci-dessous, en intérieur avec éclairage limité. Pellicule 400 ISO Fujicolor. Par rapport au 50mm, la profondeur de champ du 35 donne un peu plus de marge pour photographier à pleine ouverture un sujet proche.
Ne jamais oublier : on photographie les enfants en se mettant à leur hauteur. Sur ce thème, voir aussi des photo prises avec le M-Hexanon (Konica) 35/2,0 [http://www.dg77.net/photo/leicaM/hexanon35.htm#kid].
Le 35 mm se prête bien à la prise de vue « sur le vif » ; mais il amène à se rapprocher du sujet, ce qui a pour contrepartie l’élargissement de la vue sur le décor. En reportage, il faut agir vite, une difficulté sera de se placer sous un angle où l’arrière-plan n'est pas perturbant. Ici on s’est déplacé latéralement pour que la camionette masque des éléments confus et sans intérêt.
Photo faite à une distance proche du minimum de 90 cm. Quoique cela paraisse un peu limitatif, je ne me souviens pas m’être senti handicapé en ces circonstances.
Ci-dessous, situation des plus périlleuse : photo au flash en face d’un grand miroir. L’éclair est visible dans l’angle. Malgré sa réputation de relative sensibilité au flare, l’Ultron a bien surmonté l’épreuve. (Diapositive Velvia 50 ISO). Le diaphragme était à f/2,8 ou f/4,0.
Comparaison avec d’autres objectifs
Confrontation avec l’Hexar AF
J'ai effectué une série de prises de vue en parallèle avec l’Hexanon 35/2,0 de mon Hexar AF, objectif loué par ses utilisateurs. Les tests ont été mené avec de l’Ekta 100, dans différentes conditions (feuillage proche à contre jour, objet mince se détachant sur le ciel avec rayons solaires effleurant la lentille frontale, pelouse et pavés à une douzaine de mètres…). La conclusion est qu’il est difficile de trouver des différences (à part une légère dominante chaude dans les ombres…).
Confrontation avec le Konica M-Hexanon
Voir la page consacrée à ce comparatif [http://www.dg77.net/photo/VC/compar35.htm].
Entretien / maintenance
- Alignement de l’infini
- Cf http://ferider.smugmug.com/Technical/Lenses/CV-Lens-adjustment/1975455_j4bbWh#!i=100603971&k=sfQqg
- Apparition de jeu à l’avant
- Cf Photo.net. [http://photo.net/bboard/q-and-a-fetch-msg?msg_id=006dyD]
Successeurs et alternatives chez Cosina-Voigtländer (35mm en monture M seulement)
Nokton Classic (SC/MC) f/1,4
L’Ultron à monture vissante M39 fut discontinué en 2007. En 2008 apparut un Nokton Classic 35mm/1,4 en monture Leica M contemporaine. Ce nouvel objectif était à la fois petit, très ouvert et de prix abordable : trois qualités qu’en principe on ne trouve jamais réunies. Outre son ouverture de 1:1.4, il se distingue en effet par son excellente compacité : à peine 29 mm de long !
La formule optique (8 éléments en 6 groupes) est un double Gauss dont chaque partie est augmentée d’une mince lentille convergente près du centre optique (à l’instar du premier Leitz Summicron — cf la page sur les objectifs ultra-lumineux [http://www.dg77.net/photo/tech/fastvarg.htm#planar35]). Le rendu plutôt « doux » de cet objectif se caractérise aussi par un bokeh assez ingrat si l’on considère les exemples visibles sur la Toile. Par ailleurs il fait montre d’une forte distorsion qui indique que sa conception a obligé à beaucoup de compromis pour atteindre (difficilement semble-t-il) son attrayante luminosité.
Ce Voigtländer Nokton 35/1,4 existe en deux moutures : la version normale, à traîtement antireflet multicouche, et le Nokton SC (single coated) à traîtement monocouche, donnant des images au contraste réduit, pour un rendu « vintage ».
Même en version multicouche, cet objectif ne saurait rivaliser avec le contraste et la netteté impitoyable d’un Leica Summilux ASPH. Néanmoins (sans même parler des sordides considérations financières) il pourra intéresser certains photographes :
- Ceux pour qui les aspects pratiques (portabilité, grande ouverture) l’emportent sur les performances optiques pures (position particulièrement recevable avec le 35 mm).
- Les fervents du 35 qui veulent ajouter à leur collection un objectif au rendu « à l’ancienne » auront, avec la version SC, un objectif neuf et pourtant moins cher que certains prestigieux ancêtres.
Nokton classic 35mm F1.4 II VM – 2019
Le Nokton de 2008 revisité. Le bloc optique, de formule similaire, est en réalité entièrement redessiné. Le cinquième élément est constitué de verre à dispersion partielle anormale. Les concepteur ont voulu mieux contrôler l’aberration sphérique longitudinale, cause de focus-shift ; la correction de l’astigmatisme serait aussi en progrès. Sur internet, les premiers utilisateurs signalent une moindre distorsion que sur la version précédente ; ceci est à confirmer, ce serait une excellente nouvelle car il s’agissait de la tare principale de ce moyennement brillant mais sympathique petit objectif.
Nokton f/1,2 aspherical (2003 - 2011 - 2020)
Si l’encombrement n’est pas le critère premier, il existe depuis longtemps une autre option : le Nokton 35 f/1,2 à trois surfaces asphériques de 2003 (voir notre article [http://www.dg77.net/photo/VC/nokton3512.htm]) moins performant mais sans équivalent lorsque, dans l’ombre ou les intempéries, le problème est simplement de faire coûte-que-coûte une image.
Le Nokton 1.2/35 a fait l’objet d’une révision importante en 2011. Une version plus compacte et modernisée (9 lentilles en 7 groupes, deux lentilles à double face asphériques) a existé en 2020-2024.
Ultron Vintage Line 35mm F1.7 Aspherical (2015-2019)
A l’occasion de la Photokina 2014 avait été annoncé le VM 35 mm F 1,7 Ultron, dont la distribution a commencé dans l’été 2015 ; il fut officiellement discontinué en 2019. C’est un objectif entièrement recalculé pour un « piqué » sans concession. 9 éléments en 7 groupes (au lieu de 8/6 pour la version antérieure). Le label VM signifie qu’on a une baïonnette compatible Leica M au lieu de la monture vissante, comme pour le remplaçant du 50 mm f/1,5 Nokton aspherical. La mise au point mini est avantageuse : 0,50 m (au lieu 0,90 m). Le perfectionnement optique en vue d’une meilleure adaptation aux appareils numériques se paie par un accroissement de taille. Voir les deux modèles côte à côte sur Rangefinderforum [http://www.rangefinderforum.com/forums/showthread.php?t=144673&page=2#post2392426] .
ULTRON Vintage Line 35mm F2 Aspherical VM (2019)
Un Ultron « vintage line » encore, un peu moins lumineux mais compact.
Notes
- 1. Objectifs de 35mm à monture vissante alternatifs :
- La rarissime édition 1999 du Leica Summicron ASPH f/2,0 en version M39 / LTM, extraordinaire, seulement 3 cm de long, mais introuvable. A savoir : M.A.P. minimum 1 m. au lieu de 70 cm pour la version standard en baïonnette M.
- Le Konica f/2 UC-Hexanon (1999-2003) : très compact, bien fabriqué, au beau rendu, mais cher et affecté d’un focus-shift non négligeable.
- Autre série exclusive : les mille L-Hexanon de 1996, copies de l’objectif de l’Hexar-AF, fabriquées sur la demande spéciale d’un distributeur Nipon apparemment bien introduit.
- Les Canon S f/1,5 (1958), 1,8 (1957), 2,0 (1962 & 1963), 2,8 (1951 & 1957, cf la page dédiée [http://www.dg77.net/photo/leicaM39/canons3528.htm]) sont des options à ne pas négliger, d’autant plus que leur cote ne reflête généralement pas leur bonne qualité. Contemporains des Leica vissants, il offrent au surplus l’atout du charme « vintage » que n’ont pas leurs concurrents présentés ici.
- Le Leitz Summaron 35/2,8. Quand Leica introduisit la nouvelle monture M à baïonnette, les nouveaux objectifs destinés au M3 furent brièvement produits aussi en monture vissante. Cet objectif, successeur du 3,5cm/3.5, est bon et compact.
- Le Voigtländer (alias Cosina) Color-Skopar f/2,5 en version extra-plate (“pancake”) ou normale, monture LTM arrêtée au profit de la baïonnette M vers 2008 : bon, petit (même en version normale), abordable, facile à trouver. Principal défaut : trop récent on risque de tomber sur un exemplaire à l’état neuf (qui, au demeurant, fournira des images anormalement nettes et contrastées…).
- 2. On peut juger cohérent d’adopter le viseur Voigtländer assorti ; il en existe ou a existé différents modèles :
- Le simple viseur triangulaire en matière plastique.
- La version métal conique, élégante et onéreuse (mais réussie) — 3 lentilles, grossissement 0.68, correcteur dioptrique, repères de parallaxe à courte distance).
- Le luxueux multifocales 15-35.
- 3. En revanche je doute que le LH-2 de Voigtländer convienne.