Le web de Dominique Guebey – Photo, quincaillerie

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Carl Zeiss Jena WERRAmatic E

Sommaire

Présentation

L’extérieur et l’intérieur

Le WERRAmatic, comme ses cousins WERRA et WERRAmat, intriguera tout photographe un tantinet porté sur le vintage. Surtout en voyant ce que ce petit appareil cache sous son capot aluminium au profil digne d’un héritier du Bauhaus (où le regard cherche en vain levier, manivelle ou bouton d’armement ou rembobinage). Car avec son allure de boîtier simplifié pour amateur du dimanche, il incorpore des fonctions et solutions plutôt luxueuses. On dirait que les ingénieurs « Allemands de l’Est » des années 50-60 voulaient montrer qui, de leurs maîtres d’URSS ou d’eux, étaient les meilleurs. Les Werra témoignent aussi d’une époque où l’industrie commence à ne plus pouvoir se signaler seulement par la production de tanks et de machines agricoles. Quoique produits de l’autre côté du rideau de fer, ces appareils photo appartiennent à une culture où consommation de masse et loisirs individuels prennent une place croissante.

Le projet Werra

On ne va pas refaire ici l’historique de la firme Carl Zeiss et de la scission de 1945. Rappelons simplement que nombre de techniciens malencontreusement restés dans la zone Est de l’Allemagne furent derechef priés d’aller en Russie, Ukraine etc. contribuer au développement de la société soviétique1. Comme ils revenaient progressivement au bercail oriental2, un projet d’appareils photo fut lancé. Sérieux défi pour une entreprise qui s’était consacrée, dès 1846, à la seule fabrication d’optiques. L’implantation en fut Eisfeld et non pas Jena, une localité où passe la rivière Werra3.

Différents modèles sortirent à partir de 1954, depuis les versions simples à objectif fixe, sans cellule ni télémètre, jusqu’aux plus sophistiquées comme l’ultime WERRAmatic E (1964-1968) présenté ici (pour plus de détails, cf infra les différents modèles).

L’exemplaire en ma possession fut acquis par une parente le 11 juillet 1967, au magasin H. Lagueyrie (aujourd’hui disparu), 5 Cours Gambetta à Lyon4. La production des Werra s’interrompit l’année suivante : c’est qu’alors les amateurs se voulant sérieux ne juraient plus que par les reflex.

Raisons et sentiment

Pourquoi utiliser encore un Werra ? Un peu par coquetterie : le risque d’en croiser un autre est minime ! Et puisqu’il tourne toujours comme une horloge, il mérite bien une pellicule de temps à autre (notamment quand le Leica IIIf est en révision…). Il faut noter que ce n’est pas un appareil de poche : si on veut avoir en permanence sur soi un boîtier argentique portatif et efficace, le mieux sera (à défaut de IIIf) de se trouver un Canon QL17, ou encore un Olympus 35 SP, un Yashica Electro 35, un Konica Auto S (et j’en passe), tous plus récents, plus compacts, aux objectifs remarquables. Mais aucun n’a semblable pare-soleil, aucun de ces Japonais ne nous remémore les cuisines Bulthaup, les rasoirs Braun, la Porsche 356…

Werramatic

Caractéristiques

Viseur de type Van Albada à prismes (depuis les WERRA 1a/2 de 1957)
Cadres (fil noir) depuis les 1b/2b (1960/61) ; correcteur dioptrique pour tous les modèles à objectif interchangeable (1958) ; Rappel des informations (à partir du WERRAmat à cellule couplée – 1961).
Télémétre couplé.
Cette caractéristique concerne seulement les modèles à objectifs interchangeables (à partir de 1958) : WERRA 3, 4, 5, WERRAmatic. Le télémètre n’est pas à coïncidence de deux images superposées comme sur un Leica, mais simplement à champ coupé. Tout de même : avec lui, les experts de Jena firent une démonstration de leur savoir-faire d’opticiens. Couplé automatiquement aux trois objectifs, il utilise plusieurs prismes et un condenseur coulissant. On peut accéder à une vis de réglage, pour le reste on évitera de le démonter ! Base : 52 mm.
Optiques.
Le WERRAmatic est à objectif interchangeable, comme les Werra 3, 4 et 5 (ceux à objectif fixe sont les WERRA de base et modèles 1-2 ainsi que WERRAmat). Voir ci-dessous la section objectifs.
Semi-automatique à cellule couplée
La cellule apparaît sur les WERRA 2 (1957) et 4 (1958) ; mais non couplée : elle le devient en 1961 sur les WERRA 5 et suivants, ainsi que pour les WERRAmat à objectif fixe. Une cellule photoélectrique affiche en bas du viseur un curseur de mesure de la lumière indexé sur les paramètres (sensibilité / temps de pose / ouverture) d’exposition. Sensibilités disponibles : de 6 à 400 ISO.
Obturateur central.
A partir de 1961, les WERRA 1c, 2b, 3 dernière version, WERRAmat et la suite bénéficient du performant Prestor RVS 750, de type spécial, tellement rapide qu’il ne se referme pas et qu’il comporte en conséquence un double système de pales pour empêcher le passage de la lumière avant le réarmement.
L’obturateur fait partie du boîtier et non pas des objectifs, ce qui simplifie ces derniers et réduit leur coût : ils ne comportent plus que l’hélicoïde de mise-au-point et le diaphragme (commandé par un simple doigt, la bague de réglage étant également intégrée au boîtier). La position de l’obturateur derrière l’objectif permet de résoudre élégamment le problème du couplage armement/avancement du film5.
Armement et avancement du film par rotation d’une bague concentrique à l’objectif.
Systême peu courant, mais dans la logique de l’obturateur placé à l’arrière de l’objectif.
Rembobinage par manivelle inversée.
La manivelle se trouve sous l’appareil. De ce fait la cartouche de film est en position inversée par rapport à la majorité des appareils : je reconnais facilement les négatifs pris au Werra, avec leurs images tête en bas comparées aux autres.
Les dessous du Werramatic
Werramatic

De g. à dr. : manivelle de rembobinage, bouton d’ouverture avec filetage de trépied 3/8", compteur de vues.

Positions du bouton d’ouverture :

Positions du curseur de l’obturateur (à la base de l’objectif) :

Hors usage du retardateur, la position peut être X ou M, qu’on photographie au flash ou pas.


Objectifs

Trois focales disponibles :


Sur les autres objectifs relatifs aux Werra ou appareils contemporains, cf l’appendice.

Si un Werra avec son objectif standard en bon état semble relativement facile à trouver, il n’en va pas de même des objectifs de 35 et 100 mm. Rappelons que ces deux là sont des optiques complètes, comme le 50, et non pas des compléments optiques à la mode Kodak Retina.


Qualités

Maniement simple.
Malgré la liste avantageuse des fonctionnalités, le WERRAmatic n’impose aucun rite d’initiation et est vite pris en main.
C’est aussi que la complexité interne à pour effet plus de simplicité d’utilisation. La cellule couplée, par exemple, apporte un confort évident, en indiquant directement dans le viseur si on est en sur ou sous-exposition. Sur les WERRA 4, il faut encore lire le diaphragme indiqué par l’aiguille pour, ensuite, le reporter sur l’objectif6.
Obturateur excellent.
  • Obturateur central allant jusqu’au 1/750e : rarissime (et à comparer avec les 1/250e de l’Hexar AF de 1990)7.
  • Synchro flash à toutes les vitesses, avantage des obturateurs centraux sur le type plan-focal à rideaux. Les pros du mariage vous expliqueront tout l’intérêt de la chose (cf la page Flash en plein jour).
  • Profitons-en pour rappeler un autre avantage de l’obturateur central : avec un sujet en mouvement, on n’a pas de déformation par anamorphose8.
Bon viseur.
Viseur… clair.
Grossissement 0,8x.
Télémètre intégré et lisible.
Correcteur dioptrique.
Rappel des paramètres d’exposition dans le coin inférieur droit du viseur.
Déclenchement doux
Nonobstant le bruit, le déclencheur s’enfonce en souplesse et rend une bonne impression mécanique. Un enfant peut prendre une photo au Werra avec un minimum de risque de bougé.
Couplage des bagues Vitesse/Diaphragme.
Astuce simple mais efficace pour modifier en un seul mouvement temps de pose et diaphragme une fois qu’on a déterminé l’exposition.
Une ligne et du style.
Le capot supérieur est débarassé de tout levier d’armement ou molette de vitesse (commandes situées sur l’objectif), comme de la manivelle de rembobinage (placée en dessous). Seule la griffe de flash reste proéminente. Le déclencheur lui-même suit discrètement le profilage et adopte le même matériau.
Relativement compact (surtout en largeur).
Approximativement :
  • Largeur 116 mm (compte non tenu des anneaux de courroie).
  • Hauteur 84 mm (avec les excroissances de la griffe porte-flash et de la manivelle). Un Leica vissant mesure moins de 7 cm de haut. Mais cette hauteur supérieure du Werra a un avantage : elle minimise l’intrusion des objectifs dans le viseur.
Appareil fonctionnant sans pile.
Rien d’étonnant pour l’époque, mais il est utile de le rappeler : le Werra est un bon appareil de voyage.
Qualité générale
Si je considère mon WERRAmatic, il est net et semble fonctionner comme il y a 45 ans. Sauf :
  • Retardateur (il coince) et vitesses lentes grippées (le quart de seconde me paraît bien long…).
  • Bague de mise au point : nécessiterait une lubrification9.
Cet appareil a un petit gabarit mais est moins léger qu’on s’y attendait ; on sent le bloc de métal. Deutsche Qualität !
Remarqué entre autres : le dos (en métal pas léger) coulisse et s’emboîte dans de profondes rainures. Aucun risque de fuite de lumière à cause de mousses qui se désagrègent avec le temps.
Pare-soleil réversible du 50 mm.
Impressionnant. Avec un Tessar et une pareille protection des rayons obliques, il serait malheureux que les images manquent de contraste. En position retournée pour le transport, toutes les commandes à l’avant se trouvent bien protégées des chocs.

Défauts

Contrôle peu commode.
Commandes resserrées sur l’objectif : il y a risque de tourner une bague en voulant manipuler une autre. On est constamment obligé d’ôter l’œil du viseur pour contrôler les réglages.
Préhension de la bague de mise-au-point du 50 mm gênée par le pare-soleil.
Le sens de rotation de la bague d’armement oblige à un mouvement peu naturel du poignet gauche, impraticable en gardant l’œil au viseur.
A peu près inutilisable avec des gants.
Bref, les Werra conviennent à la photo touristique, beaucoup moins au reportage de choc.
Tout n’est pas noir, du moins sur les WERRAmat, WERRA 5 et WERRAmatic, puisque “vitesse” et ouverture sont rappelées dans le viseur. C’est heureux car la bague des diaphragmes n’est pas crantée : pas question de connaître l’ouverture simplement en comptant les clics.
Compteur de vues raté.
Sous la semelle : on veut bien, mais : remise à zéro manuelle, manipulation laborieuse, lecture malcommode.
Bague de (dé)verrouillage du dos.
La encore, pas une merveille d’ergonomie. La notice l’avoue elle même en signalant qu’il faut y aller des deux pouces…
Déclenchement relativement bruyant.
Sensiblement plus audible que la norme des obturateurs centraux, habituellement très discrets.
Télémètre.
Fonctionne dans un seul axe (cf la description supra). Le point se fait très facilement mais à la condition expresse qu’on dispose d’une ligne verticale, ou au moins oblique ; ceci en raison du champ coupé par déplacement horizontal (cela dit évidemmet pour un cadrage en format horizontal dit “paysage”).
Base limitée, l’utilisation du 100 mm est délicate.
Viseur sujet au flare
Les indications de diaphragme dans le viseur sont malheureusement moins lisibles que celle des vitesses ; surtout quand l’image devient brillante : du flare perturbe la lecture. Avec une source de lumière dans le champ, on ne lit plus grand chose.
Même sans source directe, on peut obtenir le même effet à cause des bandes métalliques sur le pare-soleil du 50 mm, responsables de fâcheuses réflexions. Je suggère de gaffer sans état d’âme ces éléments décoratifs.
Objectif standard pas exceptionnel.
A f/2,8 ce Tessar est au limites des possibilités de l’époque pour un modèle « grand public ». La baïonnette particulière interdit toute adaptation d’optiques tierces.
Viseur sans compensation automatique de parallaxe.
Les ingénieurs de Carl Zeiss Jena ont décidé cette impasse, dommage10.
Cadres multiples fixes dans le viseur.
Il s’agit des cadres pour le 50 et le 100 mm, le viseur entier correspondant au champ de l’objectif de 35 mm. S’y ajoutent des repères de compensation de parallaxe à courte distance pour les trois focales. Tout ça est peu propice à la prise de vue instinctive.
Le viseur et ses cadres
Chemin de film court, pouvant compromettre la planéité de film.
C’est en fait le talon d’Achille de tous les appareils compacts. Pour pallier ce problème, on tendra le film avec un petit coup de manivelle avant de déclencher (au moins pour la première vue de la séance)11. Problème : si vous utilisez le sempiternel étui soi-disant « toujours prêt », il vous faudra l’ôter puisque la manivelle est sous l’appareil.
Cellule Selenium de durée de vie non garantie.
…à ce que disent certains ; en tous cas, pour mon appareil, ça fonctionne toujours12.
Appareil d’ingénieur.
Cet appareil est bien fabriqué et fiable. Heureusement, dira-t-on, car un coup d’œil sur la mécanique interne fait un peu peur.

Maniement / documentation

Nomenclature des bagues sur le fût de l’objectif (en commençant par l’extrémité) :
  • Bague de mise-au-point.
  • Bague de dé-verrouillag/montage.
  • Bague de diaphragme.
  • Bague des “vitesses”.
  • Bague de réarmement/avancement du film.
Tenue en main
Avant de déclarer que la cellule ne fonctionne plus, vérifiez qu’elle n’est pas masquée par votre majeur droit tandis que l’index est posé sur le déclencheur.
Rembobinage du film
Mettre sur “R” la molette centrale de la semelle.
Notice en français (format PDF, 958.996 octets).
Suivre ce lien : http://www.dg77.net/werra/werra_doc/Werra_doc_FRA.pdf
Pour le reste
…voir les informations des références infra.

Exemples de photos au WERRAmatic


Maintenance / Servicing Werra camera

En cours de rédaction. On peut trouver des informations détaillées ci-dessous, in “références”.

Bloc viseur

Démontage/remontage du capot
  1. Dévisser les 2 vis à tête lisse latérales (supports de sangle) ; si nécessaire utiliser (avec délicatesse) une pince.
  2. Ôter l’oculaire de visée en le dévissant.
  3. Le capot peut alors être soulevé.
  4. Pour le remontage : opérer en sens inverse. Veiller d’abord à bien ajuster la plaque décorative à l’avant.

Bloc obturateur

Objectif


Les différents modèles de Werra

Rembobinage par molette sauf indication contraire (Werra 3 4 et Werramatic à partir de 1961).

WERRA simples :
WERRA, 1954-55. Obturateur Compur Rapid 1/500 ou Vebur 250. Gainage vert olive.
WERRA 1, 1955-56. Obturateur Vebur 250 ou Synchro Compur 1/500.
WERRA 1a, 1957-60. Viseur à prisme x0,8. Obturateur Vebur 250, Synchro Compur 500 ou Prestor RVS 500.
WERRA 1b, 1960-61. Viseur à cadre (fil noir).
WERRA 1c, 1961-64. Gainage noir. Obturateur Prestor RVS 750.
WERRA 1d. Habillage particulier.
WERRA 1e, 1965-68. Gainage strié.
WERRA simples à cellule posemètre :
WERRA 2, 1957-61. Cf WERRA 1b. Cadran de lecture arrière, abaque de calcul..
WERRA 2b, 1961-64. Comme WERRA 1c, correcteur dioptrique.
WERRA 2d. Habillage particulier.
WERRA 2e, 1965-68. Comme WERRA 2, habillage modifié et Prestor RVS 750.
WERRAmat, 1961-64. Comme WERRA 2 mais cellule couplée.
WERRAmat e, 1964-68. Nouvelle présentation, griffe flash, nombre guide automatique.
WERRA à objectifs interchangeables (sans cellule) :
WERRA 3, 1958-61. Obturateur Synchro Compur 500, Prestor 500, puis Prestor RVS 750. Gainage vert puis noir.
WERRA 3c, 1961-64. Manivelle de rembobinage.
WERRA 3e, 1964-68. Prestor RVS 750, nouvelle présentation.
WERRA à objectifs interchangeables et cellule posemètre :
WERRA 4, 1958-61. Comme WERRA 3. Obturateur Synchro Compur 500 ou Prestor RVS 500.
WERRA 4c, 1961-64. Gainage noir, Manivelle de rembobinage
WERRA 5, 1960-61. Obturateur Prestor 500. Gainage vert puis noir.
WERRAmatic, 1961-64. Obturateur Prestor RVS 750.
WERRAmatic e, 1964-68. Nouvelle présentation, griffe flash, nombre guide automatique.

Références


Appendice

Objectifs initiaux

Les tout premiers Werra à objectif fixe utilisèrent un Novitar 50/2,8 à 4 lentilles (très rare), puis un Novonar 50/3,5, simple triplet économique, avant de passer au Tessar.

Sonnar

Il y eut en 1957 un projet de Sonnar 2.8/80, resté à l’état de groupe de lentilles jamais assemblé… (6 éléments en 3 groupes). Le schéma n’a strictement rien à voir avec le 2,8/85 Sonnar (4 lentilles séparées) prisé des amateurs de Rolleiflex SL35 ; et pas davantage avec le modèle à 5 lentilles pour Contax-Yashica… on peut en revanche lui trouver un certain cousinage avec des objectifs cinématographiques (ouverture f/1,4) du début des années 30.

Prototype Sonnar 80mm f/2.8 - 80/2.8 pour Werra

Autres Cardinar

On connaît un autre Cardinar, le 2,8/85mm produit pour le Pentina, un de ces reflex à obturateur central lancés dans les années 60. La production du cardinar 85/2.8 aurait été de 800 exemplaires.

Cardinar 85/2.8 pour Pentina
Cardinar 85/2.8 pour Pentina

Notes