Le web de Dominique Guebey – Optique et technologie photo

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Objectifs ultra-lumineux (suite)

Anciens objectifs

Sommaire

Préhistoire

Le verre se fabrique en fondant simplement du sable auquel on adjoint certains résidus1 : rien d’étonnant s’il était connu d’hommes qui savaient, il y a 5000 ans, mouler à 1100 degrés de jolies hachettes en cuivre. Son usage était très répandu dans l’antiquité : bijoux, flacons en verre soufflé, vitrages… En ce qui concerne l’exploitation des propriétés optiques de matériaux transparents, on connait également des applications fort anciennes2.

Les lunettes de vue commencent à se répandre au XIVe siècle3.

La longue-vue de Galilée naît en 1609, avec des verres, il faut le dire, optiquement médiocres.

Une étape importante fut franchie avec l’apparition, au XVIIIe siècle, du verre au plomb, dit Flint (mot anglais signifiant silex), distinct du Crown utilisant des composants alcalins. Le premier est un verre à indice de réfraction élevé ; le second a un indice de réfraction faible.

La simple lentille convergente biconvexe présente des imperfections variées (aberrations) : l’image se dégrade fortement dès qu’on s’écarte du centre. Le progrès optique, outre la maîtrise de la production des verres, a dépendu de la modification des courbures et de la combinaison d’éléments supplémentaires en verres aux propriétés différentes (il est facile de voir qu’une loupe bon marché constituée d’une seule lentille est d’un emploi bien moins pratique qu’un bon modèle à deux lentilles).

Précurseurs

En guise de très bref historique, on signalera vers 1608 l’apparition de longues-vues utilisant une lentille convexe à l’avant complètée par un oculaire concave à l’autre bout – invention revendiquée à l’époque par plusieurs fabricants de lunettes de vue. Newton4 avait conclu que la correction chromatique [*] était impossible avec des lentilles et décida d’utiliser des miroirs pour son nouveau télescope (1668, amélioré par Cassegrain en 1672).

Mais en 1733 (Chester Moore Hall) puis 1758 (John Dollond) apparurent des lunettes astronomiques utilisant un doublet achromatique. Avec ce dispositif, deux couleurs différentes forment une image au même endroit : c’est une correction assez satisfaisante de l’aberration chromatique (l’aberration de sphéricité est également rectifiée). La position des astres pouvait désormais être calculée avec précision ; et les généraux observer confortablement leurs champs de bataille.

Premiers objectifs

Il est important de comprendre la différence entre (par exemple) une lunette d’observation et un objectif photographique. L’une a pour fonction d’envoyer l’image au fond de l’œil (dispositif hémisphérique), à travers une lentille qui se trouve à l’entrée (la cornée) ; l’autre est destiné à projeter directement l’image sur une surface plane.

Quand Nicéphore Niepce (1765-1833) produisit ses premiers clichés, on savait donc depuis près d’un siècle comment confectionner un doublet achromatisé en collant deux lentilles de verres de types différents (crown et flint)5.

N’empêche que vers 1812, avec une seule lentille, Wollaston6 fut l’auteur d’une utile avancée. Son ménisque courbe (positionné derrière un iris réglable) combattait efficacement la courbure de champ qui affecte la banale lentille biconvexe ; et aussi l’aberration sphérique en jouant sur la position du diaphragme. Cette optique offrait un angle de champ de 45° à l’ouverture de f/11. L’unique élément de cette formule la rend très économique : elle reste d’actualité sur les appareils jetables et des boîtiers simplifiés (O mon Instamatic [http://www.dg77.net/photo/insta50/index.htm]). En retour, il faut renoncer à toute amélioration de la luminosité, et accepter une forte aberration chromatique [*].

Ménisque de Wollaston et doublet de Chevalier.
l:265, h:119, 8990, JPEG

Le français Charles Chevalier7 est censé avoir perfectionné l’optique de Wollaston en utilisant deux lentilles collées.

Niepce lui-même utilisa en 1828 un objectif à trois lentilles collées (confectionné par Vincent Chevalier — le père de Charles). La focale était de 12 pouces (~30 cm) pour une ouverture de f/~4,0. Voir la page fort documentée Le triplet “Apo” de Vincent Chevalier [http://www.niepce-daguerre.com/triplet%20de%20Chevalier.html] , sur le site L'invention de la Photographie [http://www.niepce-daguerre.com/] .

Lors des premières expérimentations photographiques, des poses de plusieurs heures furent nécessaires. Mais l’amélioration du procédé et la recherche de meilleurs objectifs permettait déjà en 1832 d’obtenir des clichés avec seulement 3 minutes d’exposition. Cf la page Portrait de M. Huet [http://www.niepce-daguerre.com/portrait_de_Mr_Huet.html] du site précité, où il est question d’un 1:6/150 mm (6 pouces).

Ces dernières optiques étaient d’une luminosité intéressante au départ, elles ne purent néanmoins concurrencer dans ce domaine le type Petzval, décrit plus loin [http://www.dg77.net/photo/tech/fastpetz.htm]. De plus leur angle de champ était trop limité pour les travaux photographiques courants.


Formules symétriques – rectiligne

Avec deux ménisques simples mis en opposition, on obtient l’objectif périscopique, création, en 1865, de Steinheil8. Cette conception améliore l’image, du moins en ce qui concerne la distorsion. L’objectif est correct, mais seulement dans la mesure où la luminosité est singulièrement réduite. Le champ amélioré (focale plus courte) rend le périscope plus polyvalent que les objectifs précités.

Le schéma ci-contre correspond à un objectif offrant un angle de champ d’au moins 100 degrés ; l’ouverture maximale est de f/13,5 mais il est conseillé de fermer drastiquement le diaphragme pour obtenir une image convenable. Le chromatisme est violent : un filtre bleu améliore sensiblement la netteté en noir et blanc (mais réduit encore la luminosité). Le très grand angulaire Hypergon [http://www.dg77.net/photo/tech/fastga.htm#gaclass] (Goerz, 1900) est un exemple remarquable de ce type d’objectif.


Le rectiligne utilise une configuration similaire, mais avec deux doublets. Au XIXe siècle on arrivait à en tirer des objectifs de qualité honorable (sphéricité, chromatisme et distorsion [*]). Mais ils restaient peu homogènes, et mal corrigés de l’astigmatisme [*] et de la courbure de champ [*]. En outre leur luminosité atteignait difficilement f/8 et encore n’était-ce acceptable qu’avec des focales longues.

Les opticiens améliorèrent le rectiligne par de constants efforts. Cf le Dallmeyer9 Rapid Rectilinear (concurrent de l’Aplanat par Steinheil), produit vers 1866, ouvert à f/7,2. La focale de 30 cm est utilisable sur un format 18x24 cm, ce qui représente un excellent champ de 45° correspondant au 50 mm normal en format 24x3610. Très bon au centre mais en baisse sensible sur les bords. Il est intéressant de noter que Steinheil conçut son optique à partir du calcul théorique, alors qu’au même moment Dallmeyer procédait empiriquement, par essais successifs ; les deux démarches aboutirent à la même conception11.

Le développement du triplet [http://www.dg77.net/photo/tech/fasttrip.htm#tripl] (grâce aux progrès des verriers vers 1890), encore plus simple à fabriquer, mit un terme à la vogue de ces objectifs. D’autres formules bi-symétriques attendaient leur heure ; mais n’anticipons pas.

Unar

Le Dr Paul Rudolph (1858-1935) de chez Zeiss, voulant améliorer le rectiligne, en sépara légèrement les éléments collés. En 1899 ce travail donna l’Unar f/4,5, dont les courbures modifiées rompent avec la stricte symétrie originelle. L’Unar est un bon objectif doté d’un excellent angle de champ (65° et plus), mais sensible au flare. En effet la formule comporte à l’intérieur trois paires de surfaces air-verre au lieu d’une, qui génèrent des reflets nuisibles au contraste.

La carrière de l’Unar fut brève mais, dans le foisonnement des créations de cette époque, il constitua une base pour d’autres développements. C’est ainsi qu’il déboucha sur le Tessar décrit plus bas [http://www.dg77.net/photo/tech/fasttrip.htm#tess]. Le Tessar est classé dans la catégorie des Triplets. On voit là que des types différents peuvent évoluer jusqu’à converger vers un modèle unique.


Notes