Formules à surfaces asphériques
Sommaire
Introduction
Une lentille ordinaire présente des faces en calotte de sphère : tous les points de leur surface sont à la même distance d’un centre virtuel (il y a un centre pour chaque face ; si l’une est plane alors le centre est à l’infini). Une lentille asphérique échappe à cette définition et suit un profil ellipsoïdal voire irrégulier. On considère qu’une seule face asphérique permet d’atteindre une correction équivalente à ce qu’apporterait un élément sphérique entier. C’est ce qui permettait au Leitz 50 mm/1,2 Noctilux primitif (1966) d’en rester aux 6 éléments du Planar standard.
L’idée des surfaces asphériques n’est pas nouvelle, voir plus haut in les triplets à longues focales, le brevet signé A. Sonnefeld et utilisant une « lentille déformée ».
On peut remonter plus loin : René Descartes avait décrit les propriétés d’une lentille asphérique. On peut objecter qu’entre le calcul théorique et la réalisation pratique, il fallut quelques siècles. Mais un procédé peut être empiriquement découvert sans en avoir l’explication servie au préalable sur tableau noir : M. Olaf Schmidt, chercheur à Aalen (Allemagne) s’est intéressé aux loupes en quartz utilisées il y a mille ans par les Vikings pour allumer leurs feux. Il a constaté qu’elles suivaient avec une précision assez remarquable un profil ellipsoïdal (cf New Scientist 7 nov. 1998).
Il est peu probable que les navigateurs nordiques aient été informés des travaux de leur contemporain Ibn Sahl (˜940-1000) : cet ingénieur installé à Bagdad avait étudié la notion d’angle de réfraction, d’où il décrivit une lentille à profil hyperbollique concentrant la lumière sans aberration. Voir dans les références.
Différentes techniques ont été utilisées pour fabriquer les lentilles asphériques :
- Retouche finale par polissage manuel, procédé lent et générateur de nombreux rebuts.
- Modification du profil de la lentille au stade du meulage, sur machines automatisées.
- Finition par différents moyens (projection de liquide abrasif, faisceaux ioniques…).
- Injection du verre dans des moules à haute précision.
- Ajout d’une fine « pelure » en matériaux synthétique à la surface d’un élément sphérique.
- Eléments moulés en résine synthétique.
Ouvertures extrêmes
Asphères et hautes performances
Ci-dessous trois études qui utilisent des faces asphériques et mettent en relief cet effet simplificateur.
Le Djian 1:0.57 dans lequel 4 éléments de forme annulaire sont assemblés probablement pour faciliter la taille de l’élément asphérique final. L’objectif de Lee, quant à lui, est ouvert à f/1,0 avec simplement les 6 lentilles en 4 groupes du type Planar.
L’objectif f/0,7 par Gray comporte une lame correctrice à profil asphérique à l’avant.
Ces trois schémas sont tirés de l’article d’Ed. Kaprelian, dans le Journal of Motion Picture Engineers de juillet 1949.
Canon EF 50 mm f/1,0 L USM
Cet objectif, présenté au début, constitue un effort remarquable pour surmonter et dépasser toutes les difficultés du genre. A la différence des Noctilux et Noct-Nikkor qui viennent d’être mentionnés, l’emplacement assez central des surfaces asphériques permet une bonne correction de l’aberration de sphéricité et des défauts qui lui sont liés.
Les courbes FTM qui sont reproduites ici n’ont rien de déshonorant à f/1 (du moins dans un cercle de 24mm de diamètre). Mais à f/8, outre que ça ne monte pas très haut, on constate un fort astigmatisme (écartement des relevés sagitaux et tangentiels — représentés respectivement en traits pleins et pointillés) [*]. Ce qui tend à prouver que tout l’effort a été porté sur les performances à pleine ouverture, au détriment de l’optimisation pour l’usage courant. Sauf besoin impérieux et très particulier, l’excellent modèle ouvert à f/1,4 reste le choix le plus judicieux.
Leica Noctilux ASPH 1:0.95
Le dernier sorti des Noctilux ; voir au début la présentation de ce faramineux objectif.
Divers ultra-lumineux
Leitz Noctilux 1:1.2 (1966)
Le Noctilux M 50mm f/1,2 à lentilles asphériques fut conçu pour une utilisation spécialisée, du type reportage en éclairage réduit ou non maîtrisé, avec un film sensible et sans finesse excessive. Il comportait 2 faces asphériques situées aux extrémités du bloc optique. Ce choix permet une bonne correction de la coma [*], et favorise un très bon contraste à pleine ouverture au détriment de la définition. Mais il ne permet pas d’agir sur l’aberration sphérique [*].
Fabriqué à partir de 1966, il fut abandonné en 1976, surtout pour des raisons de difficultés de fabrication, au profit d’un nouveau Noctilux encore plus lumineux (1:1.0) mais avec des lentilles sphériques classiques (cf supra).
Leica NOCTILUX-M 50 f/1.2 ASPH (2021)
Leica a sorti une réédition en tirage limité du précédent (prospectus diffusé par mail le 28 janvier 2021). La formule optique reste très proche de l’original, même si verres et process de fabrication des lentilles ont évolué en un demi siècle.
Canon série L standard
Canon fut le premier fabricant qui ait su industrialiser la délicate production des lentilles asphériques, avec une précision de 0,1 micron (1/10.000e de mm). Par rapport au FL 55 mm f/1,2 normal, une amélioration sensible put alors être constatée avec le FD 55 mm f/1,2 AL de mars 1971 au second élément asphérique. Le New FD de 50 mm/1,2 qui lui succédait en octobre 1980 progressait encore un peu tout en conservant une intéressante compacité. Doté d’un élément postérieur flottant, cet objectif était un des meilleurs compromis dans sa catégorie.
A la différence des autres fabricants, Canon continue d’offrir et faire évoluer son objectif standard ultra-lumineux. Le dernier 50 mm EF 1.2 L USM qui perpétue cette lignée est à même de satisfaire celui que le foisonnement actuel des zooms ne comble pas de joie.
Noct Nikkor
Nikon, rival de Canon, ne pouvait que lancer en 1977 son AI « Noct Nikkor » 58 mm f/1,2. Devenu AIS en 1987, il fut discontinué en 1997. Son schéma était classique : 7 éléments en 6 groupes. La surface asphérique de la lentille frontale était façonnée par polissage manuel, ce qui explique son tarif notoirement supérieur à celui de son rival de chez Canon. Comme avec le Noctilux primitif, l’emplacement de la surface asphérique à une extrémité permet une excellente correction de la coma [*] mais guère de l’aberration sphérique [*]. Cet objectif est dépourvu d’éléments flottants pour le maintien du champ à courte distance : avec tout ça (focus shift [*], aberration sphérique [*], courbure de champ [*]…) le Noct-Nikkor est moins à l’aise en prise de vue générale que son concurrent de chez Canon, au point que son utilisation à pleine ouverture sur un boîtier numérique est assez problématique.
Le Noct-Nikkor (avidement recherché par certains scientifiques) est un objectif spécialisé et répond exactement à son cahier des charges : restituer sans déformations ni lumières baveuses des objets lumineux pas trop proches photographiés dans la pénombre. Pour le reste, il faut reconnaître qu’un objectif standard f/1,4 moins ambitieux et 12 fois moins cher à l’origine fera au moins aussi bien. On précisera quand même que le Noct-Nikkor écrase le Nikkor 50/1,2 AIS ordinaire (cf supra).
Canon 85 mm f/1,2 L
A côté du 50 mm f/1,2, Canon propose depuis 1976 un 85 mm de même ouverture, muni d’un élément asphérique, et de lentilles flottantes (pseudo flottantes en fait car il s’agit d’un groupe fixe) pour conserver la qualité optimale à courte distance. Il a connu 4 versions et deux formules optiques successives :
- Janvier 1976 : FD 85 mm f/1,2 S.S.C. Aspherical, 8 éléments en 6 groupes.
- Mars 1980 : New FD 85 mm f/1,2L, même formule optique.
- Septembre 1989 : EF 85 mm f/1,2L USM, 8 élémements en 7 groupes.
- Mars 2006 : EF 85 mm F1.2L II USM. Repensé pour une meilleure adaptation au capteur numérique de l’EOS 5D.
Très semblable extérieurement dans sa version EF au 1:1.0/50 mm, ce 85 mm d’une qualité indéniable semble avoir joui, lui, d’un succès constant depuis son apparition il y a maintenant plus de quarante ans. Si on veut couper les cheveux en quatre, on notera les avis qui attribuent un poil de contraste en plus pour la version FD mais les angles légèrement meilleurs avec l’EF.
À l’ère commençante des appareils mirrorless, voici mi-2019 le Canon RF 85mm F1.2L USM, promis à un bel avenir auprès des mariagistes et portraitistes.
Il comporte 13 lentilles en 9 groupes et pèse 1195 g. Le schéma optique passablement complexe montre tout le chemin parcouru depuis que la photo numérique est apparue. BR : Blue Spectrum Refractive ; UD = Ultralow Dispersion ; ASC : Air Sphere Coating.
ARRI / Zeiss Master Prime
Cette gamme d’objectifs cinématographiques, tous f/1.2 - t/1.3, allant du Distagon T* XP 12 mm au Sonnar T* XP 150 mm, constitue une évolution significative. Dotés (entre autres raffinements) de surfaces asphériques et de doubles trains d’éléments flottants, ils semblent très appréciés des professionnels quand leur budget en autorise la location.
Ces optiques couvrent au moins le super 35 (18,66x24,99 mm), certaines font sensiblement mieux. Pour la prise de vue très rapprochée, il existe d’ailleurs un Master Prime Macro f/2.0 de 100 mm, dont le bloc optique équipe le Carl Zeiss Makro-Planar T* de 100 mm pour 24x36 – vendu en montures ZE (Canon), ZF (Nikon) et ZK (Pentax).
35mm poussés
Cosina Voigtländer Nokton 35mm f/1.2 aspherical
En 2003, Voigtländer-Cosina a lancé le 35 mm le plus rapide de l’histoire (mais réservé aux boîtiers à visée télémétrique), le Nokton 1:1.2/35 mm aspherical, objet complexe avec ses 10 éléments en 7 groupes, incluant 3 faces asphériques. Ce n’est pas une mince affaire d’obtenir une telle luminosité pour un angle de champ de 63° (contre 46° pour un 50 mm ; et 28,5° pour un 85 mm).
Des commentaires plus détaillés sur cet objectif et les versions suivantes se trouvent sur la page ad-hoc [http://www.dg77.net/photo/VC/nokton3512.htm].
Autres 35mm
Noter qu’il a fallu attendre quinze ans pour connaître d’autres 35 mm aussi lumineux :
- Le quelque peu mythique ZENIT Zenitar 1/35 M-MOUNT [http://www.dg77.net/photo/tech/fastex.htm#zen35].
- Le Sigma 35mm f1.2 DG DN Art (cf infra).
Une mention spéciale sera accordée ici au DZOptics Kerlee 35/1.2 de 2017, même s’il est incertain qu’il comporte une face asphérique. Ce fut une production, qui paraît avoir été éphémère (comme bien d’autres dans ce domaine de « niches »), par Dongzheng Optical Technology. Ce 35mm n’est pas le premier ouvert à f/1,2. Néanmoins, en dehors d’un prix étonnament bas, il se signale par le fait qu’il est destiné aux appareils reflex (« SLR »). Ce qui le rend évidemment adaptable sur les mirorless et autres Leica M.
Principales caractéristiques : onze éléments en dix groupes (dont une lentille en verre à faible dispersion), 122mm de long, 730g. Fonctionnement totalement manuel, en contrepartie le diaphragme comporte 14 lames.
Un peu plus pérenne que le précédent (et encore moins onéreux) : le CINE 3512E de la firme SLR Magic, spécialisée dans les optiques video/cinéma. Sa focale étant de 35mm et l’angle de champ diagonal de 63,4°, cela démontre qu’il couvre bien le 24x36 (“FF”). Longueur : 72mm ; poids : 466g ; 9 éléments en 8 groupes.
Ouvertures raisonnables
Recherche de qualité
On a dit qu’avec des surfaces asphériques, le nombres d’éléments peut être réduit. Par suite la trajectoire des rayons lumineux est plus facile à maîtriser et la correction pourra être améliorée. Sans oublier le simple fait que moins d’éléments signifie non seulement moins de dispersion mais aussi moins de reflets : le contraste ne peut qu’en bénéficier.
VC Nokton 50 mm f/1,5 aspherical (1999-2009 / 2013-2020)
Encore du Cosina. Depuis 1999, cette société a acquis le droit d’utiliser le nom de la firme créée par Johann Christoph Voigtländer (cf Petzval supra) ; ce qui lui permet d’arborer sans complexes excessifs "Since 1756" (depuis 1756) sur des articles produits au 21e siècle dans les environs de Nagano (Japon). Mais on notera surtout que ce fabricant parvient lui aussi à produire industriellement des surfaces asphériques.
Ainsi, en novembre 1999, le VC Nokton 50 mm ouvert à f/1,5 fit une apparition remarquée. Ses performances surclassaient le Leica Summilux-M non asphérique d’alors. Avec seulement six éléments mais la lentille arrière composée de deux faces asphériques, ce Nokton se caractérisait par une bonne qualité sur tout le champ. À pleine ouverture la définition est bonne, mais il faut diaphragmer un peu pour atteindre un contraste élevé. Excellent à partir de f/3,5, cet objectif ne bat de record dans aucun domaine, mais (hormis une certaine sensibilité au flare) il est peu susceptible de critique importante.
Tout comme les Ultron aspherical 28mm f/1.9 et 35mm f/1.7 (cf la page dédiée) [http://www.dg77.net/photo/VC/ultron35.htm] de la même période, ce Nokton de 50mm fut produit en monture M39. Certains le trouvent un peu plus encombrant que ce qui serait souhaitable, mais on peut soupçonner que la critique vient plutôt d’adeptes des anciens Leica à monture vissante, dont le système de visée est très proche de l’objectif.
Rayé du catalogue Voigtländer en 2009, le Nokton 50/1.5 Aspherical réapparaît en 2013, en monture M cette fois, mais avec un look ostensiblement vintage.
VC Nokton Vintage Line 75 mm f/1,5 aspherical (2019)
Vingt ans après l’apparition du 50mm, VC nous offre un autre Nokton, le Vintage Line 75mm f/1.5 Aspherical. La partie arrière de l’optique est similaire au premier alors que l’avant est muni d’une lentille supplémentaire. Il comporte sept éléments en six groupes, dont une lentille aux deux faces asphériques et trois autres en verre à dispersion partielle anormale. Compte tenu de l’angle de champ moindre, cela promet des performances intéressantes. On notera qu’il a été optimisé pour le portrait, pour des distances proches de un à trois mètres. À plus grande distance, il conviendra de fermet quelque-peu le diaphragme.
Ce 75mm remplace le précédent ouvert à f/1.8, de type Hektor (cf plus haut, in Heliar 75 f/1.8 Classic [http://www.dg77.net/photo/tech/fasttrip.htm#VC7518]).
VC Nokton Vintage Line 50 mm f/1,5 aspherical II (2020)
Dans la foulée du Nokton de 75mm précité, une nouvelle version du 50 est apparue. Le fabricant ne s’est pas contenté d’une transformation du « look ». Le bloc optique est recalculé, pour un résultat qui comporte maintenant huit lentilles. Ce qui ne l’empêche pas de gagner en compacité. Cf sur le site web du fabricant [http://www.cosina.co.jp/seihin/voigtlander/vm-mount/VM-50mm1_5-2/index.html] .
Leica ASPH
35 mm Summilux Aspherical et la suite
En 1989 était apparu un nouveau Leica asphérique : le Summilux (donc ouvert à f/1,4) 35 mm Aspherical. Les deux faces asphériques étaient polies par retouches manuelles, ce qui entraînait là encore un tarif très élevé. On chuchote que le travail était exécuté dans les ateliers d’Angénieux à Saint-Héand (Loire).
Par la suite Leica mit au point une technique de façonnage par injection sous pression du verre à l’état visqueux sur des moules de très haute précision, autorisant une production plus régulière et moins onéreuse. Avec cette technique apparut en 1994 un nouveau Summilux de 35 mm (mais toujours pas de 50 mm). Portant le label ASPH, il était muni d’une seule face asphérique. Ce nouveau calcul avait la particularité d’enterrer par sa qualité les 50 mm classiques avec une focale plus courte. Ce Summilux s’offrait même le… luxe d’égaler les performances du 35 mm Summicron f/2,0 ASPH sorti dans la même période.
On remarque la lentille frontale à profil rentrant, à la mode Ultron 1968 (cf section sur le Planar).
Les connaisseurs en étaient encore à discuter lequel est préférable quand apparut en 2001 le Summicron-M de 28 mm f/2,0 ASPH. Un objectif de 28 mm est un véritable grand-angulaire (champ diagonal 75°), pour lequel il est particulièrement ardu d’obtenir une grande luminosité jointe à une qualité satisfaisante, et surtout homogène. Pour les 28 mm, à part le Nikkor 1:1.4 AF D, une ouverture de 1:2 était le maximum offert habituellement, et encore n’obtenait-on jamais une image aussi contrastée qu’avec les modèles normaux ouverts à f/2,8. Or ce Summicron offre, avec un gabarit modeste (41 mm de long), des mesures sur banc meilleures sur les bords à pleine ouverture que le 35 mm, ce qui est étonnant avec un angle de champ de 75°.
Le 35 mm ASPH, reconnaissable à ses deux sufaces extrèmes négatives, rompait avec le classicisme du double-Gauss. Le Summicron de 28 en adoptait la partie avant, tandis que son groupe arrière est inspiré de la structure retrofocus (cf infra) de l’Elmarit f/2,8.
Une nouvelle version du Summicron ASPH de 28mm f/2 est apparue en 2016, mieux adaptée aux capteurs numériques.
En 2010 apparut une troisième version du Summilux 35, ASPH encore mais cette fois au groupe arrière flottant, comme le 50 mm décrit ci-après. Le schéma est inchangé de prime abord mais il a quand-même fait l’objet d’un recalcul. La conception de cet ultime 35 lumineux vise une parfaite adaptation au capteur du M9 : les appareils numériques sont moins tolérants que les argentiques, notamment aux écarts de mise-au-point. Dès le M8 (2006) certains utilisateurs s’étaient plaint d’un focus shift [*] sensible. Le Summilux 35 ASPH « V2 » de 2010 bénéficie d’une correction chromatique améliorée, tout comme d’une planéité de champ mieux maintenue à courte distance.
Leica 50 mm Summilux ASPH (2004)
En ce qui concerne le 50 mm, le successeur du Summilux M de 1962 s’est fait attendre jusqu’en 2004. Mais le résultat répond aux espérances : le nouveau Summilux-M 1:1.4/50 mm ASPH obtient des mesures sensiblement supérieures à celles du Summicron 1:2.0 à diaphragme égal. Non seulement le niveau général mesuré sur banc FTM est très élevé (globalement, ses performances à f/1,4 sont celles de très bons objectifs à f/2, et ainsi de suite jusqu’à f/2,8) ; mais encore les courbes de plus faible définition (5-10 pl/mm, indiquant la netteté des contours généraux des objets) sont remarquablement proches du plafond de 100%. En d’autres termes : même sur des tirages de format modeste, une différence pourra être perçue par rapport à des optiques de bonne qualité.
Pour conserver de bonnes performances aux plus courtes distances, il comporte un groupe arrière flottant – avec l’inconvénient d’une certaine complexité mécanique. Si l’on précise que son indifférence au flare n’a rien a envier au Noctilux, on pourra trouver cette optique ultra-lumineuse proche de l’idéal longtemps rêvé d’un objectif standard vraiment universel. Ce n’est plus seulement un objectif de reportage en condition difficile : il rend également possible des illustrations soignées de haute qualité en toutes circonstances.
Cet objectif est en fait apochromatique [*]. Cela ressort des propos du head optics designer de Leica lors de la Photokina 2008 [http://dfarkas.blogspot.com/2008/09/photokina-2008-day-2-taking-it-easy-and.html] . Le fabricant a jugé inutile (futile ?) de rendre publique cette caractéristique ; sans commentaire (sauf à dire que certaines firmes ne se gênent pas pour affubler du sigle « APO » des produits qui peinent à répondre à la stricte définition de l’apochromatisme).
On notera que la partie avant dérive du Summicron, alors que l’arrière ressemble à celle du 35 mm Summilux ASPH. L’élément supplémentaire en arrière du diaphragme ne manque pas d’évoquer le Summilux R dernière version.
Leica 50 mm Summilux ASPH version II (2023)
Avec le M11 de 2022, le capteur du Leica M en était arrivé à 60 mégapixels, valeur qui autorise le tirage de posters grand format très détaillés. Pour garantir des optiques à la hauteur, la firme a remis ses spécialistes sur l’ouvrage afin d’obtenir un 50 mm au pouvoir résolvant poussé encore plus loin — tout en restant aussi compact que les amateurs de ces appareils peuvent l’exiger. Le résultat fut annoncé au début de l’année suivante. En dehors du bloc optique recalculé, ce nouveau Summilux-M de 50 mm se différencie par un diaphragme à 11 pales au lieu de 9 précédemment, et une distance minimale de 45 cm (au lieu des 70 autorisés par le télémère des M). Ce dernier point rendra l’objectif encore plus intéressant sur un mirorless, tel le SL II du même fabricant.
Leica Noctilux-M 75 mm f/1,25 ASPH (2018)
Noctilux est un nom qui fait figure de mythe, il n’est pas étonnant qu’il soit mentionné à plusieurs reprises dans ces pages. Récapitulons :
- En 1966, Leitz produisit le Noctilux 50mm f1:1.2 aspherical, dont il est question un peu plus haut.
- De 1976 à 2006, ce fut le long règne du Noctilux 50mm f1:1.0 « non-asph », introduit dans nos exemples du début [http://www.dg77.net/photo/tech/fastex.htm#noct] — qui fut plusieurs années de suite notre unique 50 sur Leica M (d’où notre page souvenir).
- En 2008, Leica s’est mis à produire un nouveau Noctilux, le Noctilux-M 50 mm f/0,95 ASPH, présenté ici [http://www.dg77.net/photo/tech/fastex.htm#noct2008] et mentionné supra.
Le 29 novembre 2017, on constate que Leica annonce (pour début 2018) la parution d’un 75 ouvert à f1:1.25 (noter la précision). Il avait déjà existé un 75 Summilux (cf notre présentation). L’ouverture dépassant f/1,4 fait entrer ce nouvel objectif dans la classe Noctilux.
Ce 75/1.25 ASPH comporte neuf éléments en six groupes (dont 3/2 flottant) et pèse plus d’un kilogramme ; quant à son prix, il est aussi atterrant que celui du 50/0.95. Pour la mise-au-point à pleine ouverture, le live-view sera utile sur les Leica type M. En raison de la différence de tarif, il ne fera pas forcément de l’ombre au remarquable Summicron 75/2.0 (2005-2017, APO ASPH, lui aussi à lentilles flottantes, et 430 g.).
Recherche d’économies – objectifs pour « grand » public
Dans la catégorie économique en matériaux synthétiques moulés, Kodak introduisit en 1978 un appareil en format 110 (13x17 mm) muni d’un objectif Ektar Ektramax de 25 mm f/1,9. Ce dernier était un triplet amélioré par un quatrième élément arrière, le troisième étant asphérique. Chez Kodak, la dénomination Ektar désigne les objectifs évolués, censés bénéficier d’une correction supérieure.
Dans cette même période (années 1980-90), une foule d’amateurs du dimanche se servit d’appareils Disc de ce fabricant, qui étaient munis d’un 12,5 mm f/2.8 ; il était aussi à quatre éléments séparés, mais c’était le second qui avait un profil asphérique1.
La maison Polaroid n’est pas en reste pour les solutions imaginatives. Si ses appareils donnent parfois l’impression de sortir d’une pochette surprise, l’examen de l’intérieur révèle de véritables délires d’ingénieur. En témoigne l’objectif Quintic de 1986, qui équipait les Spectra et/ou Image system. Ouvert à f/10 ce 125mm est peu lumineux, mais il faut rappeler qu’il est destiné à couvrir du quasi grand format : 9,2x7,3cm. C’était un triplet, pas si simple que ça d’ailleurs : on hésite à donner le nom de « lentille » à l’élément intermédiaire : il s’agit encore d’une légumineuse, mais d’après sa forme c’est plutôt un haricot synthétique (qui se déplace transversalement à l’axe optique). Impossible d’y trouver la moindre portion de sphère. Le plus étonnant est que cela donne des résultats satisfaisants.
Notes
- 1. Au sujet des appareils Disc, il semblerait que la déception souvent éprouvée avec ce format miniature (10x8 mm) n’était pas imputable à l’appareil ni à son objectif ; la qualité médiocre des images était plutôt la faute des laboratoires qui (habitués de voir leurs clients de base se contenter d’une qualité moyenne), réalisaient par facilité les tirages avec les optiques simples prévues pour de plus grands formats, au lieu de faire les frais des objectifs d’agrandissement spécifiques à six lentilles préconisés par la firme de Rochester.