Le web de Dominique Guebey – Optique et technologie photo

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Objectifs ultra-lumineux (suite)

Le temps des anastigmats

Sommaire

Protar et autres

À partir de 1890 de nouveaux verres permirent une correction avancée des optiques, même avec seulement trois lentilles (cf la page suivante sur les triplets [http://www.dg77.net/photo/tech/fasttrip.htm]). Ce qui explique la floraison ultérieure de nombreux types d’objectifs dits ou carrément dénommés anastigmats1.

Anastigmat est un terme compliqué qui juxtapose deux privatifs (an-a-) pour indiquer simplement que l’image est nette dans tous les axes (i.e. on peut distinguer une paire de lignes très fines quelle que soit leur direction). Une optique anastigmatique est censée corriger, outre l’astigmatisme, les autres aberrations dites de troisième ordre2 (sphéricité, coma, courbure de champ, distorsion).

Or donc, Rudolph (alors chez Zeiss) déjà présenté [http://www.dg77.net/photo/tech/fastold.htm#unar], calcula un objectif sensiblement asymétrique, de quatre éléments en deux groupes, qui couvrait un champ proche de 75° (ce qui est l’angle de couverture d’un 28 mm en 24x36). Ce type d’objectif reçut le nom de Protar, fut tôt apprécié, et le resta longtemps.

Protar 2#2 f/7,2
Protar 2#2 f/7,2 l:243, h:204, 12798, JPEG

Les Protar fleurirent dans diférentes focales et combinaisons optiques. Citons une version IIa de 1893, qui comportait cinq lentilles en deux groupes

Protar 3#2
Protar 3#2 l:246, h:183, 12376, JPEG

En 1895-6 le Double Protar VIIa (f6.3-7.7), de formule 4+4, couvrant 80°, fut une réussite complète, bien corrigé et lui aussi peu sujet au flare. C’est un objectif convertible : chaque groupe étant complètement corrigé, on peut combiner différents blocs avant et arrière pour obtenir des focales et couvertures différentes. Edward Weston (1886-1958) ne fut pas le seul à faire un large usage de cet objectif, encore assez facile à trouver.

Double Protar VIIa (4#4)
Protar VIIa (4#4) l:269, h:203, 23824, JPEG

Du Dagor au Plasmat

Dans la section infra sur les grands-angles, il est question des anastigmat symétriques à six lentilles en deux groupes. Ils y sont mentionnés juste à titre d’historique car leur ouverture ne peut être poussée très loin. Il n’empêche qu’ils ont mené dès les années 1920 au Kino-Plasmat de f/1,5. Au demeurant notre histoire ne saurait se réduire au match Petzval-Sonnar-Planar.

Dagor, source : dioptrique.info [http://dioptrique.info/]
Schema du Goerz Dagor l:200, h:189, 57381, JPEG

Les optiques en question avaient deux groupes opposés constitués chacun par trois lentilles collées (deux convergentes et une divergente). Elles donnaient des images nettes et agréables, sans distorsion, avec un large angle de champ. Cet angle spacieux les a beaucoup fait apprécier des photographes à la chambre grand format : Ansel Adam (1902-1984) a réalisé beaucoup de ses chefs-d’œuvre avec un Dagor. Plus près de nous, Paolo Reversi (né en 1947) est connu (entre autres) comme adepte du même objectif. Le Dagor est l’œuvre de Emil Von Höegh3. Initialement produit par la firme Görz, cet objectif fut continué par Zeiss.

Hugo Meyer (21 mai 1863 - 1er mars 1905) fut en 1896 le fondateur à Görlitz de la firme portant son nom – plus tard absorbée dans Pentacon. Rudolph y était entré, et c’est pour elle qu’il inventa en 1918 le Plasmat, développé ensuite (dans les conditions calamiteuses de l’économie allemande d’après Première Guerre Mondiale) en de nombreuses versions. Cette évolution consistait dans l’écartement de l’élément voisin du diaphragme de chaque groupe, ce qui donne un peu plus de liberté au calculateur. Le Double-Plasmat ouvrait à f/4,5.

Plasmat
Plasmat l:299, h:204, 17982, JPEG

Le Kino-Plasmat, conçu en 1924, lancé vers 1927, fut une fameuse optique très lumineuse (f/2.0 et f/1,5) pour caméra ciné, mais aussi livrée (des 5 et 7,5 cm, vers 1930-35) en monture pour appareil photo Leica, Contax et quelques autres. On peut trouver des exemples de son utilisation photographique à pleine ouverture : on distingue une zone un peu nette au centre, mais l’ensemble est tellement mou qu’il en est presque pénible à regarder.

Kino-Plasmat 7,5 cm f/1,5 (1929)
Kino-Plasmat 7,5 cm f/1,5 l:250, h:208, 28933, JPEG

Le Boyer Saphir Color français était un plasmat, et de bonne qualité. Les Schneider-Kreuznach Componon qui équipent encore beaucoup d’agrandisseurs en sont aussi (en 24x36 je tirais avec le 50/2.8) ; idem chez Rodenstock (cf mon Rodagon 135/5.6 utilisé en 6x7 et 4"x5"). Si le grand format vous tente (voir notre page sur la Linhof Master Technika [http://www.dg77.net/photo/linhof/index.htm#gfmoti]), un Sironar sera un choix intelligent, c’est encore un Plasmat, tout comme le Symmar[-S] (cf ibidem [http://www.dg77.net/photo/linhof/index.htm#symmar150]).

Et ne voilà-t-il pas qu’en 2016 Leica prive de sommeil les amateurs en offrant à leur convoitise un Summaron-M 28 mm f/5.6 (monture à baïonnette Leica M), avec la formule optique du Summaron de 1955 (LTM, i.e. monture vissante) et évidemment en série limitée. L’argument habilement présenté est que cette optique permet d’obtenir à de petites ouvertures une douceur interdite par la netteté cruelle des objectifs modernes.

Leitz Summaron 28mm l:300, h:221, 25854, JPEG

Ne pas confondre ce Summaron de 28 mm avec le 35, qui était un Planar (cf Planar à grand angle de champ).


Notes