Vers 1884, le Dr
Schott1
de la Société Abbe et Schott à Jena,
commença à développer des verres à
haut indice de réfraction. Il utilisait des additifs tels que
le baryum pour obtenir des verres de type
« crown »2.
D’un seul coup il devenait possible de corriger l’astigmatisme
[*],
et ceci avec un nombre réduit de lentilles : enfoncé le
rectiligne [http://www.dg77.net/photo/tech/fastold.htm#recti] !
Taylor & Cooke
Taylor-Cooke 1893
Apparu en 1893, le triplet de Harold Dennis Taylor (1862-1943) consiste
en 3 éléments séparés :
une lentille divergente entre deux autres convergentes. L’ouverture originelle
de f/6,3 fut amenée à f/3,5 et même plus. Cet objectif est peu
homogène : l’image formée est bonne au centre mais se
dégrade à la périphérie. Le triplet convient
plutôt à :
des appareils photos économiques.
Qui ne connait le Lubitel [http://www.dg77.net/photo/lubitel2/index.htm]
6x6 et son f4,5/75mm ?
Une mention spéciale sera décernée au Cross f2,9/45, né
vers 1943, produit par SOM Berthiot aussi bien qu’Angénieux.
Nombreux furent ensuite les utilisateurs de 24x36 Baby Sem (1948-1960) qui en
étaient équipés. Tout ceci se passait à l’apogée de la fabrication
française d’appareils photos grand public. Le Cross était un objectif
d’une luminosité remarquable vu la simplicité de la formule.
Le Berthiot Flor f/3,5 proposé comme alternative était peut-être meilleur,
mais vu les conditions d’utilisation de ces appareils rudimentaires, le traîtement
des films et les techniques de (modeste) agrandissement, le Cross satisfit nombre de nos
pères.
des longues focales. Exemples :
les excellents Triotar de Zeiss ;
le vénérable Nikkor-T 10.5cm f/4 de 1959 ;
Parmi les Elmar 4/90mm Leitz/Leica, citons le modèle particulier de 1964
par Leitz-Canada, qui ne comporte que trois éléments à la différence des
autres plus classiques Elmar 5 et 9 cm.
Sa particularité est d’avoir été optimisé pour les courtes distances,
ce qui n’empêche qu’il est globalement en léger
progrès sur les précédents Elmar 9cm à
4 lentilles [http://www.dg77.net/photo/leicaM39/elmar9cm.htm].
Cet objectif accompagnait l’Elmarit 90 mm 1:2:8 plus lumineux
(cf infra).
Plus récemment : le Pentax17
de 2024 est équipé d’un triplet.
Il est intéressant de voir apparaître un appareil argentique
à l’ère du numérique.
Ce demi-format (17x24) utilise le film perforé 35mm
classique. Sa focale de 25mm donne, selon le fabricant, un angle de champ
semblable à celui d’un 37mm en 24x36.
Triplets poussés
L’antique firme française Hermagis (absorbée par Berthiot en
1934)3
avait produit le
Perlynx, objectif lumineux pour cinéma avec seulement 4 lentilles séparées.
L’ouverture atteint f/1,9 sur certains modèles.
L’élément arrière du triplet est ici dédoublé ;
la formule fut reprise dans le Cinor B de SOM-Berthiot. La même conception
se trouve dans les Speedic (TTH) ou Prolinear (Rietzschel).
Cinor B 1:1.9 (ancien Perlynx d’Hermagis)
Côté longues focales, l’intéressant LVM
attire notre attention (p. 656 éd. 2001) sur les Zeiss de 1930 : 500 mm f/4,8, 700 f/5,0, 1200 f/7,0
contributions d’August Sonnefeld (30/8/1886 - 31/1/1974). Un de ses brevets
de 1931 (US Pat. 1616765) concerne un « deformed triplet »
ce qui signifie qu’il utilise une forme asphérique. Un second (US Pat.
1825828) donne en exemple un 2000 mm f/5,0 à quatre élément,
la lentille frontale au diamètre respectable de 40 cm étant
remplacée par deux éléments convergents à bas indice
de réfraction. Dans les arguments qui précèdent
les revendications du brevet,
Sonnefeld souligne que le façonnage est ainsi considérablement
facilité, de grandes lentilles taillées dans du crown pouvant
demander plusieurs années de travail. Cet objectif possédait
aussi une correction de la distorsion inusitée pour une si grande ouverture :
une condition importante pour les astronomes qui ont besoin de clichés
géométriquement fidèles.
US Pat. 1616765US Pat. 1825828
Encore mieux : il est démontré qu’un simple petit triplet comportant deux
faces asphériques [http://www.dg77.net/photo/tech/fastasph]
et un plan image courbe peut dépasser les performances
d’un Planar [http://www.dg77.net/photo/tech/fastgaus.htm#planar] à six lentilles.
Triplet à faces asphérique et champ courbe
Cf Wilfried Jahn sur www.theses.fr. [http://www.theses.fr/2017AIXM0331]
L’idée d’un champ incurvé n’est pas nouvelle,
mais les capteurs électroniques permettent de dépasser la théorie et d’en envisager la réalisation.
Tessar
Un quatrième élément collé à l’arrière du triplet
améliore nettement les résultats photographiques.
Cette configuration a donné le Tessar
calculé en 1903 par Rudolph, à partir de sa trouvaille de
l’Unar (cf ci-dessus) – constitué
de 4 éléments séparés. Le Tessar donne une bonne
image homogène dans un angle de 45°, angle correspondant
à l’objectif « normal ».
Grâce à lui il devint possible d’obtenir des agrandissements
respectables à partir de négatifs petit format,
pour le plus grand profit de millions d’amateurs et professionnels.
Tessar
Le Tessar fut rapidement utilisé en versions f/6.3, 4.5 et 3.5. Dès avant les hostilités de 1914-1918,
plusieurs industriels de l’optique, affranchis (ou se supposant tels) des brevets de Zeiss,
se lancèrent dans la conception de nouveaux objectifs du même type
(Dallmeyer Serrac f/4.5…). Le Tessar devint rapidement le type le plus répandu,
seul le besoin d’ouvertures supérieures poussa vers le
développement d’autres conceptions. Dans la limite de f/2,8 (f/4 en courts
téléobjectifs) on en trouve encore des applications.
Jusqu’à une période récente,
le 50 mm Carl Zeiss Jena Tessar
fut produit en quantités industrielles pour de nombreux appareils
(cf la page 50 mm pour Werra [http://www.dg77.net/photo/werra/werra050.htm]).
Tessar 45 mm f/2,8 pour reflex Yashica-Contax (~1985)
Il a existé un Zeiss Tessar 5cm f/2,7 (~1926),
peu performant mais suffisant pour une utilisation sur chambre « presse »
ou en cinématographie4.
A noter : si le brevet du Tessar est depuis belle lurette tombé
dans le domaine public, le nom commercial, lui, est toujours propriété
de Carl Zeiss. Cela est vrai aussi pour les Planar et Sonnar.
Elmar et autres clones
À l’expiration du brevet, les types Tessar fleurirent un peu partout, comme
les Schneider Xenar (ou certains Kodak Ektar). Signalons les Skopar de chez Voigtländer, apparus
à la fin des années vingt. La mouture 1949 du Color-Skopar (par Tronnier) était
quasiment apochromatique
(cf www.klassik-cameras.de [http://www.klassik-cameras.de/Bessa_RF_histo_dt.html#Skopar] ) ;
à essayer absolument si, par exemple, un Bessa II vous passe entre les mains.
Un cousin assez connu du Tessar fut l’Elmar de Leitz,
apparu en 1930, qui contribua à faire du Leica
l’arme absolue du reporter, et un rêve pour quantité d’amateurs.
L’Elmar 5cm f3.5, conçu en 1926-1929 par Berek, était un calcul un peu différent,
ce qui se voit à la courbure moindre de la lentille frontale – et aussi
à la position du diaphragme, immédiatement derrière
le premier élément. Cet objectif couvrait en fait le 3x4 cm. Il n’était pas correctement
adapté à la photo couleur ; ce qui fut corrigé dans
l’évolution de 1946 [http://www.dg77.net/photo/leicaM39/elmar50_35.htm],
utilisant des verres aux terres rares, un traîtement anti-reflet, reconnaissable au crantage
contemporain des diaphragmes (…4 - 5,6 - 8…).
Diverses évolutions du triplet
Le Tessar est limité en ouverture ; pour aller vers de plus grandes luminosités,
il a fallu augmenter le nombre d’éléments, soit par des éléments
additionnels, soit par dédoublement de lentilles. C’est pourquoi naquirent les Heliar, Pentac,
Hektor et d’autes. Voici quelques détails sur cette épopée.
Heliar
Heliar / Dynar
Heliar 1900
L’Heliar est une formule à 5 éléments en 3 groupes. Il
s’agit d’un triplet de Cooke amélioré par le dédoublage
des 2 éléments convergents extrêmes. En 1900, Carl August Hans
Harting (15/2/1868 - 21/9/1951) déposa un premier brevet,
amélioré en 1902 (astigmatisme
[*]
et courbure de champ [*]
laissaient à désirer). Son champ de 50° et
sa bonne luminosité (f/4,5) lui assurèrent un succès immédiat.
Il y eut une révision en 1903 baptisée Dynar, mais l’Heliar
restait alors mieux corrigé de l’astigmatisme
[*].
Dynar
Les Heliar sortis après
1925 par Voigtländer étaient en fait des Dynar. Une version de 1935
(Universal Heliar) permettait de faire varier l’aberration sphérique
par déplacement de l’élément central : caractéristique
particulièrement utile aux portraitistes
[*].
L’Ektar Kodak de 1942 est aussi un type Heliar. Tronnier
recalcula tout ça en 1949, ce qui donna le Color-Heliar, assez connu avec
les 105mm f/3,5 des Bessa de Voigtländer.
Ces fameux Bessa en format 6x9 furent produits en 3 modèles. Par ordre de prix
croissant ils étaient équipés respectivement d’un
Color-Skopar (4 lentilles type Tessar, cf supra), d’un Color-Heliar et d’un Apo-Lanthar.
Ce dernier, sorti en 1950, utilisait les nouveaux verres spéciaux et un design
nouveau. Ses verres étaient du type radioactif jusqu’en 1955, mais pas après ;
afin d’éviter la dominante jaune des premiers, on conseillera
la plus récente version à ceux qui veulent utiliser
l’objectif en prise de vue couleur.
Vers 1999-2009, des Heliar (f/3,5 et f/2,0) ont été produits
par Cosina-Voigtländer5.
Les progrès des calculateur, mais peut-être
plus encore en verrerie, permettent aux derniers 50 mm en monture M pour
télémétriques 24x36
d’atteindre l’ouverture très utile de f/2,0 avec une qualité
générale impeccable aux diaphragmes moyens, et un délicieux
rendu « à l’ancienne » à pleine ouverture.
Le schéma est singulièrement proche de l’Apo-Lanthar.
Quant au modèle plus modestement ouvert à f/3,5, il était admis que
seul un Summilux ASPH de Leica pouvait éventuellement
lui être comparé sur le plan de la définition. Les triplets ne
sont donc pas à prendre pour une de ces familles déshéritées,
composées d’individus un peu simplets, de ces pelés et autres
galeux dont on parlerait presque avec gêne.
Objectif compact d’ouverture moyenne, à champ plus large que de coutume pour un Heliar.
La lentille intermédiaire est asphérique, ce qui autorise une correction supérieure.
La version 2014, en monture courte, fut plutôt anecdotique. L’objectif de 2022
(fourni en monture M et LTM) est autrement plus utilisable.
Voir la page qui lui est consacrée [http://www.dg77.net/photo/VC/heliar40.htm].
Pentac
Le Pentac fut conçu en 1919 par L. B. Booth pour Dallmeyer. Il se présente
sous la forme d’un triplet disymétrique aux éléments
extrêmes doublés ; tout comme l’Heliar en somme,
mais avec des verres à indice de réfraction élevé.
À la sortie de la guerre 14-18, il fit sensation avec son ouverture de f/2,9,
combinée à un bon angle (le 6 inches
i.e. 150 mm couvrait le 4x5 – 10,2x12,7 cm), outre une
qualité satisfaisante et un contraste meilleur que les Gauss f/2
(cf infra « Planar lumineux »)
qui n’allaient pas tarder ; de même qu’un encombrement inférieur.
On produisit des Pentac f/2,9 à partir de 1921 pour de nombreuses applications
(chambres « presse » de reportage, cinéma, projection,
version spéciale pour portraits à éléments mobiles)
jusqu’après la seconde guerre mondiale, où il fut massivement utilisé
comme objectif de reconnaissance aérienne. Si vous trouvez un appareil Williamson
modèle F.24 (objectif Dallmeyer, TTH ou autre, 8" i.e. ~20cm) en service sur certains
Spitfire, sachez que Kodak produit toujours son excellente
Panatomic [http://www.kodak.com/eknec/documents/1e/0900688a802b091e/ti1172.pdf]
en bobines de 5 pouces de large…
BioTessar
Dans les années 1930, Zeiss produisait des BioTessar f/2,8
à 6 él./3 gr. – groupe avant de 2 lentilles,
triplet au lieu de doublet à l’arrière. Meilleur
que le simple Tessar f/2.7 mais plus encombrant, il s’agit
de focales 135 et 165mm pour appareils moyen-format (6x9, 9x12cm).
Biotessar
Hektor
Hektor 1931
De même que l’Elmar de Leitz était
cousin du Tessar par Zeiss,
on peut dire que l’Hektor est un proche de l’Heliar.
La photo couleur émergea dans les années trente.
Ses Elmar n’ayant pas une correction chromatique suffisante,
Leitz conçut les Hektor :
dans ces formules, les éléments du triplets sont
dédoublés en collages, ce qui permet l’amélioration
voulue, mais au prix d’autres imperfections (aberration
sphérique et focus-shift
[*]).
Un inconvénient supplémentaire
de ce design est sa sensibilité
aux défauts de fabrication : la qualité
peut varier dans des proportions importantes d’un
specimen à l’autre.
L’Hektor 50 mm (1931) avait une ouverture avantageuse de f/2,5.
Il était peu homogène et, aux plus grands diaphragmes,
ne brillait pas spécialement. Mais dès f/4 la qualité d’image
rejoint puis dépasse celle d’un Elmar de la même période.
Formule optique Hektor f/1,9
L’Hektor 135mm avait une formulation distincte : quatre éléments en
trois groupes. Seule la partie centrale du triplet était dédoublée.
Poussant le concept, une ouverture de f/1,9 fut atteinte par le Leitz 73 mm
Hektor (1931-19466).
Il souffrait d’une notable aberration sphérique
qui, avec cette focale, aurait pu en faire un objectif très bien adapté
au portrait si sa mollesse congénitale n’avait pas eu tendance à
s’aggraver à courte distance, fut-ce en diaphragmant désespérément
(à quoi s’ajoutait du chromatisme quand même, un contraste très faible
sur les bords aux grandes ouvertures, etc.). Il y eut aussi des Hektor Rapid
pour le cinéma, f/2.0 (et même f/1,4 ou f/1,3 avec les éléments frontaux
séparés).
Les ingénieurs cessèrent ensuite de s’acharner
dans cette direction, où ils risquaient de se perdre dans la brume.
A la grande joie des amateurs, l’été 2010 a vu la naissance
d’un nouvel Heliar Classic, en focale 75 mm, ouvert à f/1,8. Un rêve pour
ceux qui cherchent un objectif à portrait et trouvent le 50 mm un peu court.
Cet objectif comporte 6 éléments suivant un schéma en trois
doublets, étrangement semblable au fameux Hektor f/1,9.
C’est une alternative digne d’attention
au réputé mais trop recherché Summilux 75/1,4.
En 2019, Cosina-Voigtländer a remplacé cet objectif par un 75mm f/1.5 Nokton Aspherical de la
gamme Vintage Line. Ce dernier, de formule différente,
est un classique dérivé du double Gauss (voir plus loin).
Cosina Voigtländer HELIAR Classic 50mm f/1.5 VM (2021)
L’Heliar 5 lentilles de 2006 signalé plus haut ouvrait à f/2.0.
Sur cet Heliar Classic VM, un 6e élément permet d’atteindre f/1.5.
Ce 50mm-ci paru en août 2021 est baptisé Heliar mais est bien plutôt lui aussi
un Hektor.
Selon le fabricant, les aberrations conservées à dessein
donnent une image douce et un remarquable bokeh
à pleine ouverture. Le traîtement antireflet simple couche
est destiné à accentuer le rendu « classique ».
À rebours d’autres produits de la marque, il n’existe pas
de version alternative « multicouche », ce qui tend à
conférer une vocation spéciale à l’objectif.
Si vous n’aimez pas le flare, passez votre chemin.
En fermant le diaphragme (à 10 pales), on est censé obtenir (dès f/4) une netteté
analogue à ce que donnent les autres 50 mm modernes.
Ceci est à mitiger si on en croit les appréciations de passionnés
qui se sont emparés de l’objet dès sa sortie (cf par exemple
Fred Miranda [https://www.fredmiranda.com/forum/topic/1719880] , plus méticuleux que d’autres).
Au surplus, l’objectif semble optimisé pour les plus courtes distances,
ce qui confirme qu’il n’est pas à classer dans les « généralistes ».
Les zones floues ont un aspect suffisamment particulier (d’ailleurs très intéressant)
pour distinguer le bokeh, par exemple de celui
d’un C-Sonnar de Zeiss [http://www.dg77.net/photo/zm/csonnar50.htm#ex]
(pourtant plutôt réputé dans ce domaine).
Les aberrations résiduelles, honnêtement annoncées par Voigtländer,
se manifestent bel et bien : coma, sphéricité et chromatisme sont présents.
En fait on a les caractéristiques d’un objectif à portrait traditionnel.
Malgré tout cela, l’Heliar Classic 50/1.5 ne paraît pas souffrir de focus shift.
Cet objectif est compact (long. 42mm, diam. 56mm, filtres 49mm) mais n’en a pas moins
un cercle image qualifié de généreux par le fabricant. Voudrait-on encourager
son utilisation sur les récents appareils moyens formats numériques ?
Gundlach Ultrastigmat
Charles Clayton Minor
chercha lui aussi à amender le triplet. Cet habitant de Chicago est connu
pour son Ultrastigmat précurseur des Ernostar et Sonnar.
L’Ultrastigmat originel était un f/4,5.
Ultrastigmat (Charles C. Minor)
Cette optique est citée partout mais la documentation de première main semble enfouie dans le passé.
L’enregistrement des brevets et leur exploitation auraient été faits sous l’égide
de la firme Gundlach Korona à Rochester. Des modèles très lumineux, ouverts à
f/1,9 sortirent en 1916-1920. Il s’agissait de 40, 50 et 75 mm pour cinéma
35 mm. Bref…
Ernostar
…Charles C. Minor ayant ajouté un élément dans l’intervalle
avant du Triplet,
Ludwig Bertele (1900-1980) décida en 1919 d’utiliser l’idée.
On notera au passage qu’il avait 19 ans ! On le retrouvera plus loin, pour
l’heure il avait été recruté par Heinrich Ernemann (1850-1928)
à Dresde. Le résultat fut l’Ernostar.
L’Ernostar se décline en 4, 5 ou 6 lentilles. Dans sa forme élémentaire,
on connaît par exemple :
Le Serital de Taylor Taylor & Hobson pour cinéma 16 mm
ouvert à f/1,9. M. Simon Wyss, expert technicien à Bâle, me signale que Serital est
l’abréviation de Separate Rear Inverted Taylor Anastigmatic Lens.
TTH Serital 1" (2,54cm) 1:1.9
Comme exemples plus récents, on ne manquera pas de citer les M-Rokkor (Minolta)
et Elmar-C (Leica) de 90 mm f/4.0
(cf la page dédiée).
En 2020, M. Miyazaki (présenté par ailleurs [http://www.dg77.net/photo/tech/fastex.htm#mso])
a enrichi son étonnant catalogue d’un
Elnomaxim de 55mm ouvert à f/1,2 ; ouverture qui n’est
pas extraordinaire au XXIème siècle, sauf que cet objectif (en monture
Leica M) ne comporte que 4 éléments (séparés).
Sur internet, les articles qui, tels des amibes, se répètent et se reproduisent
à l’infini disent que la formule est de type Sonnar.
Je me permettrai quant à moi d’y voir un Ernostar.
MS Optical Elnomaxim 1.2/55
À cinq lentilles – en quatre ou cinq groupes :
En ajoutant une lentille à l’avant, il y a belle lurette qu’on a poussé
l’ouverture vers f/1.0, mais l’angle de champ devient plus réduit.
Cf infra le Tachonar.
Le très bon Konica M-Hexanon 90mm f/2,8 de 1999
(quatre groupes – pour appareil Konica RF ou tout autre
à baïonnette Leica M) est un Ernostar caractérisé.
Konica M-Hexanon 90mm f/2,8
Le fugace Kamlan - Sainsonic 50mm f/1.1 [http://www.dg77.net/photo/tech/fastex.htm#kamlan5011a]
version 1 de 2017 répond lui aussi à cette conception.
Développé à 6 lentilles en 4 groupes par Bertele,
l’Ernostar, équipait l’Ermanox,
un appareil photo moyen format doté d’un
objectif de 100mm f/2, puis 85 f/1,8, d’un obturateur plan-focal offrant le 1/1000e,
apparu en 1924 et qui satisfaisait les rêves les plus fous des reporters.
Source : dioptrique.info [http://dioptrique.info/] Ermanox 4,5 x 6, 1:2.0/100 mm :
L’Ermanox était fabriqué à partir des classiques
Klapp ; c’était un appareil à plaques,
le plus répandu (ou plutôt : le moins rare) étant
au format « miniature » 4,5 x 6 ;
pour celui-ci Ernemann (Krupp-Ernemann Kinoapparate AG)
proposait un dos optionnel pour roll-film 120.
Il a existé aussi en 6,5 x 9, 9 x 12,
et même en grand format : 10 x 15, et 13 x 18 ;
focales respectives : 125, 165, 195, et encore un 240 mm pesant 6,250 kg.
L’illustration infra, aimablement fournie par
Bailun [http://cdags.org/daguerreotypes-bailun/] , prouve
l’existence du dernier cité.
Ernostar 240mm pour format 13X18
Dans des formats similaires, on trouve toujours des moyen-formats (bobines type 120 ou 220) de
reportage7.
Ces appareils souvent robustes et simples peuvent être
d’excellentes affaires en occasion. Mais leurs objectifs restent à un
prudent f/3,5 (f/2,8 au mieux), car le fort rapport de reproduction
comparé au 24x36 rend la profondeur de champ[*]
très réduite et
la mise au point appelle un soin certain. L’utilisation de l’Ernostar
à pleine ouverture devait donc être plutôt aléatoire
en reportage d’action8 :
l’heure du film 35 mm allait sonner.
D’ailleurs en 1926, Ernemann est absorbé par le
conglomérat Zeiss Ikon ; en 1931 l’Ermanox est discontinué.
Sonnar
L’inspiration de Bertele
En 1930, Bertele, se retrouvant chez Zeiss, s’attaqua à une formule dérivée
de son Ernostar f/1,8, ce qui donna dès 1931 le Sonnar 50mm f/2
(6 él./3 gr.), et l’année suivante une version f/1,5
(7 él./3 gr.). Dans le Sonnar 1:1.5, les groupes arrière et
médian comportent chacun 3 éléments collés. Cet objectif
très réussi, relativement facile
à fabriquer et compact, donne une image douce à pleine ouverture
mais nette et contrastée sur tout le champ en diaphragmant. La formule du Sonnar a aussi
l’avantage de limiter le nombre des surfaces air-verre, et donc les
réflexions parasites. Cet aspect des choses était particulièrement
important à une époque où les traîtements antireflets
étaient inconnus.
Les Sonnar (et leurs proches) très lumineux ont l’inconvénient
de souffrir d’un sensible focus shift[*].
Le Jupiter 3 soviétique, produit en 1948 chez
KMZ (Krasnogorski Mekhanicheskii Zavod) est tout
simplement la continuation du Sonnar d’avant-guerre, perpétué
jusqu’en 1988.
Avant 1936, il y eut un massif Sonnar 85mm f/2, auquel le Jupiter 9
succéda, semble-t-il, jusqu’au début du XXIe siècle !
Ne pas confondre avec le Zeiss ZM 85/2.0 T* (2005-2011) en monture M,
fabriqué à l’ouest par Zeiss Oberkochen :
la dénomination Sonnar adoptée en mémoire de son illustre
aïeul ne doit pas cacher le fait que le ZM est un type Planar.
Sonnar 85/2.0 (1936)
A des focales sensiblement plus longues que la normale (angle de champ inférieur à 24°),
le Sonnar peut être simplifié. Le groupe central est alors
réduit à une ou deux lentilles épaisses, qui suffisent à
une bonne correction – sous réserve de ne pas vouloir pousser la
luminosité. Voir plus loin,
dans la partie sur les longues focales, sous-section
« semi-télés ».
Bonheur des photographes
Si, sur le papier, le Sonnar n’atteint pas la perfection, il n’en
reste pas moins qu’il ravit encore nombre de photographes. Tant il est vrai
que les meilleures performances sur banc de laboratoire ne concordent pas forcément
avec l’appréciation subjective du résultat final.
Pour certains, le Sonnar possède toujours une aura
qui le rend irremplaçable. La formule fut d’ailleurs reprise par plusieurs fabricants,
cf le Canon Serenar 1.5/50 de 1947 signé par Seiki Kogaku
– ceci malgré les progrès du Planar.
La formule a vu une réédition récente (2006) avec le
Carl Zeiss C Sonnar T* 1,5/50 mm ZM
à monture compatible Leica M, destiné au Zeiss Ikon ZI.
Il est étudié particulièrement pour les photographes qui
préfèrent un rendu spécial,
quitte à accepter quelques inconvénients d’utilisation.
Sa formule a la particularité de ne comporter que
6 éléments, la lentille intermédiaire du
groupe central est remplacée par un espace d’air. Sur cet objectif
on vérifie le focus shift[*]
non négligeable propre à la formule.
A telle enseigne que le fabricant a pu offrir la possibilité
de caler (gratuitement) le bloc optique à la plus grande ouverture,
au lieu du calage « usine » positionné à f/2,8.
L’auteur étant un des heureux utilisateurs de cet objectif,
on consultera avec profit
la page ad hoc [http://www.dg77.net/photo/zm/csonnar50.htm].
MS Optical Sonnetar 50mm f/1.1 MC (2012)
Apparu en septembre 2012, cet objectif figure parmi les specimens
présentés au début.
Contrairement aux optiques ci-dessous, comme le fameux Zunow,
c’est un Sonnar tout simple, composé de
5 lentilles en 4 groupes. Focale : 51,7 mm ;
diaphragme sans encliquetage de 14 lamelles ; poids nu : 190g, remarquable.
L’aberration de coma
[*]
est réglable par une bague agissant sur l’élément
arrière.
7artisans Photoelectric 75mm f/1.25 (2019)
C’est avec quelques réserves que je classe cet objectif sous la rubrique Triplets.
Mais puisque le prospectus officiel (avec formule optique et courbes FTM) spécifie
based on Sonnar formula…
Cet objectif est l’alternative, en vingt-cinq fois moins cher, au
Leica Noctilux-M 75 mm f/1,25 ASPH de 2018.
Noter qu’il est livré avec un outil pour ajuster le calage du bloc optique.
Primoplan
Le Primoplan est un triplet modifié de type particulier (5 éléments
en 4 groupes) produit dans les années 1930 chez Meyer Görlitz
(cf infra le Kino Plasmat).
En version ciné 25 mm l’ouverture atteignait f/1,5 ; pour les appareil-photo
Exakta on eut un 50 f/1,9 de 1934 (focale repoussée à 58 mm en 1938 pour le rendre utilisable sur les reflex).
Cette optique dût son succès à la combinaison d’une
grande ouverture avec un prix abordable, plutôt qu’à sa qualité :
l’image faiblit sur les bords (raison pour laquelle la version 75 mm,
dotée au surplus d’un idyllique bokeh, est
singulièrement recherchée).
La production des Primoplan fut poursuivie côté Allemagne de l’Est
(DDR
ou encore « RDA ») longtemps après la 2de guerre mondiale. Vous
pourrez facilement en trouver, et en jouir sur votre boîtier à monture
vissante M42 préféré.
Elmarit 90/2.8 1958
Court télé à 5 lentilles en trois groupes, produit de 1958 à 1974.
C’était là encore un dérivé de triplet, au schéma proche
des Hektors précités. Il était calculé
pour la prise de vue générale, l’Elmar trois lentilles
de même focale étant destiné à la photo rapprochée
(cf supra).
Elmarit 90/2.8 1958
Tele-Tessar T* 4/85 ZM (2009-2019)
Plus d’un siècle après son apparition, le Tessar
constitue toujours une base valable.
Pour épauler le magnifique mais ruineux ZM Sonnar 2/85 pour 24x36
télémétriques de 2006 (rayé du catalogue début 2011),
Carl Zeiss a concocté un 85 mm Tele-Tessar moins lumineux (f/4,0)
mais plus abordable, quoique pas du type économique simplifié :
à Oberkochen, on ne rechigne jamais à empiler des lentilles,
et ce Tessar est peaufiné au point de remplacer l’unique élément
avant par un doublet (dont la courbure montre que ce n’est ni un
Hector ni un Pentac, l’arrière indiquant de son
côté qu’on n’est pas en présence d’un Heliar…).
Carl Zeiss Tele Tessar 4/85 ZM
Extrapolations ultralumineuses (Tronnier, Zunow)
En 1930, Albrecht Wilhelm Tronnier (1902-1982), autre jeune virtuose de la règle à
calcul et des tables de logarithmes, décrivit un objectif proche du Sonnar
et particulièrement lumineux. Le brevet fut déposé en 1932 par
Schneider sous le n. DE 565566 A. [http://depatisnet.dpma.de/]
Il fallut attendre de longues années pour en voir la concrétisation.
Ce fut après 1951, quand (outre l’extinction du brevet) la diffusion
de verres spéciaux comportant des terres
rares9
permit de voir fleurir
de remarquables réalisations. Toujours pour le 24x36, on vit un Fujinon
de 50 mm ouvert à f/1,2 et un Zunow de type Tronnier 50 mm f/1,1.
Fujinon f/1,2Zunow f/1,1
Le Fujinon fut fabriqué en un nombre limité d’exemplaire,
sa possession est devenue un rêve quasi inaccessible à la plupart des collectionneurs.
Certains lui accordent une qualité très honorable (pour l’époque ?).
Aussi ardemment convoité, le Zunow 1:1.1 était remarquablement
compact, ce qui est une des caractéristiques des Sonnar. Selon certaines
sources, c’était au départ un objectif à vocation cinématographique.
Le modèle destiné aux boîtiers télémétriques
de la marque (mais également adaptable, si l’on en croit le prospectus
reproduit ci-contre, sur Leica, Canon, Contax et Nikon) connut deux versions :
celle de 1953 par Mishisaburo Hamano, (9 lentilles / 5 groupes), et 1955 par
Kenji Kunimi et Yoshisato Fujioka (9 / 4). Par la suite, il exista une version
un peu moins ambitieuse, ouverte à f/1,3. Il faut dire qu’à
la pleine ouverture de f/1,1 le contraste est bas, les ravages de
l’aberration de coma
[*]
sont visibles sur les bords ; et le focus shift[*],
typique de ce genre d’objectif, rend un peu plus compliquée la mise-au-point.
Voir des exemples de photos au Zunow sur rangefinder forum.
En 1958, Zunow lança un appareil
photo reflex et une gamme d’objectifs, parmi lesquels un 58 mm f/1,2. C’était une belle
avance sur Pentax, Canon, Olympus ou Nikon qui peinaient encore pour offrir un objectif standard f/1,4.
Ce fut pour Zunow une fatale fuite en avant pour tenter de résister
à ses puissants rivaux : la firme disparut peu après.
Astro-Berlin Tachonar f/1,0 (5 lentilles séparées) :
produit en 25, 35, 50 et 75mm, était essentiellement destiné aux rayons X et autres oscilloscopes.
Le 75mm couvrait néanmoins le format photo 35mm et a pu être utilisé
sur différents boîtiers. Ce schéma est dérivé de
l’Ernostar à quatre lentilles (cf supra).
Tachonar 1:1
Le Tachon était plus élaboré (7 éléments en 5 groupes).
Il y en eut trois types :
Tachon 1:0.95 (25, 35, 52 (ou 50), et 75 mm).
Le 50 mm fut utilisé en projection de la fin des années trente au début des 50
(selon klassik-cameras.de).
Tachon 50mm 1:0.95
Tachon 1:1.2. Il s’agissait de 120, 180mm, et 240mm. En ce qui concerne le dernier,
Marco Cavina observe l’étrange ressemblance avec le Super-Zoomatar
– de Zoomar à Munich10.
Tachon 1:0.75 : c’était un 65mm, fort volumineux. Il couvrait le format ciné 16mm.
Ciné petit format
Outre les modèles relativement simples à 4 lentilles (cf supra
Triplets poussés), on trouve en cinéma
petit format d’autres formules plus complexes à ouvertures très intéressantes.
Quelques modèles pour 8 ou 16 mm :
Saphir (Boyer) f/1,1 (6 éléments / 4 groupes)
En cinéma 8 mm, citons le Switar Kern de 13 mm (1959)
ouvrant à f/0,9. Il est composé de 10 éléments collés en
5 doublets. Il fut conçu en 1957 par Hans Schlumpf (l’auteur du légendaire Macro-Switar).
Kern Macro-Switar
En 1958, le fabricant suisse Kern avait conçu un Photo-Switar de
50mm f/1,8, dérivé complexe (7 lentilles) du triplet ; objectif destiné aux
appareils Alpa. Le Macro-Switar-Apochromat était similaire, mais pourvu d’une longue rampe de mise au point,
pour la prise de vue rapprochée. Le Macro-Switar f/1,9 de 1970 fut une version
améliorée, à 8 lentilles en 5 groupes, très prisée des amateurs.
Macro-Switar 50/1.9
Notes
1. Friedrich Otto Schott, Witten 17 décembre 1851, Jena 27 aout 1935.
2. Sur Crown et Flint cf la page sur les objectifs anciens [http://www.dg77.net/photo/tech/fastold.htm]
3. Hermagis : firme fondée en 1845 par Hyacinthe Hermagis (1822 - 1868).
4. Vu sur une caméra ciné française Debrie de 1920 – André Debrie 28/1/1891-28/5/1967, créateur de la célèbre caméra 35 mm Parvo (1913) ; et des caméras à grande vitesse (G.V.).
5. Nomenclature des 50 mm Heliar de Cosina-Voigtländer :
Heliar 50/3.5 (2001), monture M39 vissante et rentrante, 101e anniversaire de la formule optique.
Finition nickel, 600 exemplaires.
SC HELIAR 50mm F3.5, pour appareils à monture Nikon télémétriques. Même
optique que le précédent, mais sur fut rigide.
Heliar 50/3.5 (2009), réédition « 10e anniversaire ».
« Heliar » en rouge sur l’objectif et schéma optique gravé
sur la bague de mise-au-point.
Annoncé en septembre 2016 : VM 50 mm / F3,5 Heliar.
En monture Leica M et sur fut rigide, il ressemble fortement au
modèle antérieur pour Nikon à monture S.
Mise au point minimale 0,7 m (bien), bague de diaphragme non encliquetée (moins bien).
Heliar 50/2.0 2006 à monture M, rentrante 250e anniversaire, gravé
« 1756-2006 », 800 exemplaires.
Heliar 50/2.0 2009 à monture M39 vissante, non rentrante – dixième anniversaire
de Cosina-Voigtländer, 600 exemplaires.
6. Le Leitz Hektor 7,3 cm f1.9 fut produit en nombre limité : 1931: 131, 1932: 1923, 1933: 1133, 1934: 616, 1935: 400, 1936: 392, 1937: 687, 1938: 898, 1939: 453, 1940: 270, 1941: 242, 1942: 84, 1943: 2, 1944: 1, 1945: 1, 1946: 2.
7. Cf les Mamiya 6 et 7 récents, les Fuji GS(W)690, Makina de Plaubel, Bronica RF645, les Fujica GA645, GW645 etc.
8. D’autant plus que si le Miniatur 4,5x6 avait son soufflet remplacé par un tube rigide, les plus grands formats conservaient le soufflet et les parallélogrammes d’extension, solution peu satisfaisante pour la précision du système.
9. Les verres aux terres rares contenaient souvent du lanthane, et on a pris l’habitude de les nommer « verres au lanthane » même s’ils utilisent du wolfram, du thorium ou du tantale.