Cosina Voigtländer ULTRON 21 mm F 1.8 aspherical (VM)
Sommaire
Présentation
Objectif grand-angle (91° diagonal) très lumineux pour format 24x36 (“FF”), à monture VM (clone de la baïonnette Leica M). Présenté à la Photokina en septembre 2012, il fut disponible début 2013. Il ne contient aucune électronique et, mise à part la came de télémètre, est dépourvu de toute liaison avec le boîtier. La commande du diaphragme est donc manuelle de même que celle de mise au point. La première caractéristique ne saurait être une gêne pour les photographes à qui cet objectif est destiné ; la seconde est presque un avantage : on est en présence d’une très courte focale pour laquelle, en raison de la profondeur de champ particulièrement étendue, l’autofocus est peu utile.
Jusqu’à la fin du XXe siècle, concevoir un objectif doté d’un angle de champ d’au moins 90 degrés était difficilement compatible avec la recherche d’une grande luminosité. À des focales un peu moins extrêmes, on avait bien quelques 28mm (angle de champ 75°) d’ouverture f/2.0 voire f/1,4, mais ils n’atteignaient pas la qualité optique des modèles f/2.8. Le Canon FD 24/1.4 (84°) de 1974 (dont une lentille asphérique façonnée à l’unité rendait le coût prohibitif) figurait comme exception remarquable. Par la suite la technologie des instruments optiques connut de signalés progrès. L’apparition de super-grands-angles très ouverts en fut une des manifestations. Voir à ce propos notre page Courtes focales, alias grands-angles. [http://www.dg77.net/photo/tech/fastga.htm#gaexemp]
Cet objectif est encombrant quand on le compare à l’optique de base, du type Summicron de 35mm, cher aux adeptes de l’appareil télémétrique – alors que sa taille ne surprendra pas les utilisateurs de récents reflex ou mirrorless numériques, appareils qui ne sont pas tous volumineux, mais dont les objectifs et zooms ont une tendance certaine à l’embonpoint.
L’Ultron 21 vient utilement épauler le Voigtländer Color-Skopar f1:4.0 [http://www.dg77.net/photo/VC/colsko21.htm] de même focale mais moins lumineux de 2 crans 1/3. Celui-ci est de gabarit minimaliste, efficace sur film argentique, mais sa formule optique (inchangée depuis 1999) d’un grand clacissisme lui inflige un petit coup de vieux quand on veut l’employer sur les derniers appareils numériques.
En 2020, Cosina Voigtländer a sorti un massif Nokton 21mm encore plus ouvert (f/1.4). Néanmoins, fin 2023 l’Ultron était toujours disponible. Avec le Nokton était apparu un autre 21mm, un Color-Skopar aspherical très compact et de qualité optique de haut niveau, mais de luminosité limitée à f/3.5. On remarquera que Leica en est arrivé au même point avec ses deux 21mm : d’une part un Summilux ASPH (f/1.4, 2008) fort encombrant ; et le Super-Elmar f/3.4 (2011) d’autre part, compact et impeccable optiquement — ce qui n’est pas le cas du premier. Le Summilux coûte six fois le prix de l’Ultron. Les options Voigtländer montrent là leur intérêt face aux ruineuses optiques Leica. D’autant plus que la logique veut qu’on ne dépense pas le plus pour les optiques extrêmes, censées être d’usage plus limité.
Caractéristiques
- Focale : 21 mm.
- Ouverture : 1:1,8 - 22.
- Formule optique : 13 éléments en 11 groupes, une lentille asphérique.
- Angle de champ : 91°.
- Diaphragme : 10 pales.
- M.a.p. mini : 0,5 m.
- Dimensions : diam. 69 mm ; long. 78,4 mm (mesure qui inclut le pare-soleil et excluant la partie entrant dans l’appareil).
- Poids : 412 g.
- Filtre : 58 mm.
- Monture : baïonnette M.
- Pare-soleil : fixe.
La mise au point minimum à 50cm au lieu des 70, limite traditionnelle des M télémétriques, élargit la clientèle potentielle au delà des seuls utilisateurs de Leica M.
Le pare-soleil a la particularité d’être inamovible. En tôle épaisse, il offre une assez bonne protection à la lentille frontale, qui en a bien besoin. Il prend un peu de place dans le fourre-tout puisque, contrairement à ce qui se fait souvent, on ne peut le démonter pour le retourner.
La protection de l’objectif peut évidemment être renforcée par l’ajout d’un classique filtre UV. Il n’est pas nécessaire d’utiliser un modèle à monture mince, sur l’Ultron 21 aspherical, aucun vignettage n’apparaît avec un filtre normal. Un léger écueil peut se présenter : si le filetage se coince, l’opération de desserrage sera rendue plus laborieuse par ce côté indéboulonnable. Vous voilà prévenus.
Conception et rendement optique
La lentille frontale de large diamètre évoque une conception de type retrofocus. Le dernier élément est lui aussi assez conséquent ; il comporte une face asphérique. La formule inclut trois lentilles en verres spéciaux1.
Cet Ultron 21/1.8 ne comporte pas de groupe flottant (lentilles à déplacement indépendant) pour assurer la correction optimale à toutes les distances. Objectif de génération récente, il donnera de bons résultats sur capteur numérique. Il souffre moins des problèmes de faiblesse à la périphérie de l’image, ainsi que de chromatisme, qui affectent des rivaux d’ouverture moins poussée mais plus anciens. En effet, si la formule optique complexe est cause d’un gabarit relativement imposant, elle offre en compensation une qualité d’image à la hauteur. Aux diaphragmes les plus ouverts, les bords sont quelque peu inférieurs par rapport au centre, mais ce sera sans importance en reportage sur le vif. En fermant l’iris, l’image devient homogène, surtout à partir de f/5.6. Par ailleurs la distorsion est limitée. Cela intéressera les spécialistes de l’architecture, les paysagistes, et tous photographes un peu contemplatifs ou simplement exigeants. On notera qu’à f/5.6, on a déjà réduit l’ouverture de plus de trois diaphragmes : on voit la marge confortable par rapport aux grands-angles traditionnels. Comparer par exemple avec un Tamron 17mm f/3.5 SP Adaptall [http://www.dg77.net/photo/tamron/tamron17.htm], très bon (au temps de l’argentique), mais à f/11, et pas tout-à-fait exempt de distorsion.
Du côté des amateurs de photo argentique, limités en sensibilité, il va sans dire que l’Ultron de 21mm sera une bénédiction par sa luminosité ; et une joie grâce à ses résultats sur film.
En pratique
Usages
Un grand-angle répond à divers besoins photographiques. Voir à ce propos ce qui a déjà été expliqué dans la page Leica Elmarit-M 24mm f2.8 ASPH [http://www.dg77.net/photo/leicaM/elm24.htm#intga]. Mais, de par sa taille, l’Ultron excluera certaines circonstances de prise de vue. Nous voulons parler non seulement du trekking en Himalaya, mais aussi de l’utilisation quotidienne comme matériel « toujours prêt », logé dans un coin de besace. Sans parler des cas où le reporter affronte des circonstances houleuses, comme parmi des gilets jaunes, CRS et autres hooligans. Pour tout le reste, cet objectif donnera le moyen de faire sérieusement des photos – des photos qui ne ressemblent pas à ce qu’on peut produire avec un smartphone.
Prise en main
Malgré sa relative masse, cet objectif forme un ensemble équilibré sur un Leica M et se manie avec aisance. La large bague de mise au point tourne avec la progression rapide vers les courtes distances caractéristique des grands-angles. De l’infini à un mètre, je mesure approximativement un décallage de 27mm de la bague, déplacement qui est d’environ 32mm de 1m à 50cm !
Visée
Visée séparée (optique)
Monter l’Ultron 21 aspherical sur un Leica M fait apparaître le cadre de 28mm.
En principe, un objectif de 21mm sur un appareil à visée télémétrique impose l’utilisation d’un viseur annexe, qu’on glisse dans la griffe porte-flash. Néanmoins, si on a la chance de disposer d’un boîtier Leica M à viseur 0.58, on peut envisager de s’en passer : à condition de ne pas porter de lunettes, le viseur concorde peu ou prou avec une focale de 21mm. Il faut admettre qu’avec l’Ultron c’est plutôt un pis-aller, car l’objectif vient masquer une grande partie du quart inférieur-droit de l’image, ce qui n’est pas le cas avec un modèle compact, comme le Color-Skopar 21/4.0 précité [http://www.dg77.net/photo/VC/colsko21.htm]. Je n’hésite pourtant pas à agir ainsi pour des photos sur le vif si j’ai eu la bonne idée d’emporter cet objectif. En effet, il n’est pas si gros qu’il ne puisse être glissé dans une poche de blouson.
Le champ montré ci-dessus est inférieur à ce que l’opérateur verrait.
Comme la distance avec le sujet peut descendre à 50cm, alors que le télémètre des M ne permet pas de faire le point à moins de 70, de l’attention sera requise avec un sujet très proche (surtout s’il est mobile, cf exemple infra).
Visée TTL
Avec tout Leica M muni d’un capteur CMOS (modèle 240 de 2013 et suivants), on peut adopter une visée directe à travers l’objectif (Through The Lens). Il suffit pour cela de lui adjoindre l’annexe Visoflex.
Plus généralement, sur tout appareil doté du Liveview, la question ne se pose pas. Rappelons une fois de plus que la monture M permet d’installer l’objectif sur de nombreuses autres baïonnettes, en insérant une bague d’adaptation. Il n’y a aucun doute que l’Ultron de 21mm a été, depuis sa sortie, utilisé sur plus d’un Leica SL ou Panasonic Lumix ; et davantage encore sur des Sony Alpha.
Photos à l’Ultron 21/1.8 aspherical VM
Ci-dessous : ce matou, intéressé par ma présence à moins que ce ne fût par l’Ultron, m’avait pris au dépourvu en s’approchant en-deça des 70cm. Après un mouvement de recul, la limite des 50cm atteinte, j’ai déclenché « à l’instinct ». Sur cette image faite avec le diaphragme fermé à f/2,8, on observe un flou prononcé de l’arrière plan. Ce qui démontre que la réputation de vaste profondeur de champ des très grands angulaires ne doit pas faire oublier la mise au point.
Notes
- 1. Verres à dispersion partielle anormale : l’angle de réfraction varie selon la longueur d’onde. Cette caractéristique est utile pour maîtriser l’aberration chromatique.