Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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   D o m i n i q u e   G u e b e y    J u n g l e      Les belles lettres

D.A.F. de Sade (1740-1814) Français, encore un effort… (suite)

  Ne perdons pas de vue que cette puérile religion était une des meilleures armes aux mains de nos tyrans : un de ses premiers dogmes était de rendre à César ce qui appartient à César ; mais nous avons détrôné César et nous ne voulons plus rien lui rendre. Français, ce serait en vain que vous vous flatteriez que l’esprit d’un clergé assermenté ne doit plus être celui d’un clergé réfractaire ; il est des vices d’état dont on ne se corrige jamais. Avant dix ans, au moyen de la religion chrétienne, de sa superstition, de ses préjugés, vos prêtres, malgré leur serment, malgré leur pauvreté, reprendraient sur les âmes l’empire qu’ils avaient envahi ; ils vous réenchaîneraient à des rois, parce que la puissance de ceux-ci étaya toujours celle de l’autre, et votre édifice républicain s’écroulerait, faute de bases.

 O vous qui avez la faux à la main, portez le dernier coup à l’arbre de la superstition ; ne vous contentez pas d’élaguer les branches ; déracinez tout à fait une plante dont les effets sont si contagieux ; soyez parfaitement convaincus que votre système de liberté et d’égalité contrarie trop ouvertement les ministres des autels du Christ pour qu’il en soit jamais un seul, ou qui l’adopte de bonne foi ou qui ne cherche pas à l’ébranler, s’il parvient à reprendre quelque empire sur les consciences. Quel sera le prêtre qui, comparant l’état où l’on vient de le réduire avec celui dont il jouissait autrefois, ne fera pas tout ce qui dépendra de lui pour recouvrer et la conscience et l’autorité qu’on lui a fait perdre ? Et que d’êtres faibles et pusillanimes redeviendront bientôt les esclaves de cet ambitieux tonsuré ! Pourquoi n’imagine-t-on pas que les inconvénients qui ont existé peuvent encore renaître ? Dans l’enfance de l’église chrétienne, les prêtres n’étaient-ils pas ce qu’ils sont aujourd’hui ? Vous voyez où ils étaient parvenus : qui, pourtant, les avaient conduits là ? N’étaient-ce pas les moyens que leur fournissait la religion ? Or, si vous ne la défendez pas absolument, cette religion, ceux qui la prêchent, ayant toujours les mêmes moyens, arriveront bientôt au même but.